(A présent)
La nuit était plus sombre que le pelage d'une panthère noire. Plus douce aussi. Les brises légères de la soirée attaquaient la peau comme l'azote que le dermato tartine sur les verrues. Les deux amis frissonnaient dans leurs gros manteaux dont le coton essayait de s'échapper par les trous réguliers à l'intérieur du vêtement. Parfois, Théophile comblait les pertes de rembourrage avec de la graisse animale. Peter refusait, ça sentait trop.
Ils se retrouvèrent rapidement à l'extérieur, entourés de magnifiques immeubles Haussmanniens. Peter connaissait ces façades par cœur et pourtant, il les observait avec autant de passion qu'un archéologue devant une pyramide inexplorée. Quant au sénior du duo, il marchait sans prêter attention au décor. Toutefois, il repéra en premier la présence de trois pauvres personnes installées le long du bâtiment central de la rue Saint-Lazare, en face du café Marco Polo. L'édifice Haussmannien bénéficiait d'une architecture particulière : en largeur, il reposait sur des colonnes. Par ailleurs, le premier étage de l'immeuble se tenait à environ trois mètres du sol et s'avançait de deux mètres sur la place publique, ce qui offrait un bel espace abrité pour ces gens.
— Allons souhaiter la bienvenue à ces braves personnes, proposa Théophile.— On les saluera demain, pas le temps ce soir, rétorqua Peter excité par le programme de la soirée.
— Tu sais à quel point il est difficile de s'installer dans un nouvel endroit... s'opposa Théophile, peiné par ses gens qui se collaient les uns aux autres pour créer un peu de chaleur.
— Justement, quand on galère autant pour trouver ses repères, on ne part pas de sitôt ! Allez viens, ils ne vont pas s'envoler ! encouragea Peter en jetant un coup d'œil inquiet à sa montre.
A contre cœur, Théophile suivit son ami dont l'impatience commençait à l'agacer. "Pourquoi être si pressé ?" songea-t-il. "Ce n'est pas comme si un lit douillet nous attendait avec de jolies créatures dedans !" Maintenant levé, Théophile n'enviait plus du tout sa micro-couverture dans le couloir du métro. Il aimerait prendre son temps pour ne plus penser à la poussière qui accueillait chaque soir son dos endolori. Son ami qui trépignait sur place ne parlait pas, ça lui allait très bien. Il put contempler tranquillement l'église de la Trinité devant laquelle ils passèrent lentement. Peter savait que Théophile ralentissait toujours aux abords de ce lieu religieux, mais il ignorait qu'en réalité, c'était le parc à l'entrée qui le rendait nostalgique. Le toboggan, le bac à sable, l'herbe autour... Des souvenirs d'enfance, des tâches lointaines dans son esprit.
Alors que le vieil homme nageait dans ses pensées, Peter l'interrompit en le tirant par le bras: "C'est juste là, sur le trottoir d'en face." Sur le trottoir d'en face, il n'y avait rien de fabuleux, mis à part un sans-abri chinois qui tenait une pancarte le qualifiant de syrien. Théophile soupira profondément, c'était la déception qui s'exprimait.
— Parfois quand un monde laid s'offre à nous il suffit de pousser une porte, expliqua Peter en traversant le désert bitumé. Tu viens ?
Le sage homme fit confiance aveuglément. Pendant que Peter essayait de se rappeler du code d'entrée, il lança un regard de dégoût à l'asiatique, désormais assis sur son carton comme si sa duperie s'affaisserait. "Konnichiwa", lança le vieux pour le provoquer. "Ah non! Moi je suis un arabe du Moyen-Orient, moi pas du pays du riz !" dit le clochard avec un accent purement chinois. Habituellement, c'était des blancs qui se livraient à ce genre de farce. Théophile avait acheté du saucisson spécialement pour ces charlatans et le gardait constamment sur lui. Il en arracha un bout pour le tendre à l'imposteur. "Hallal ?" demanda l'asiatique. "Non", répondit Théophile. "Trop tard !" feignit le chinois qui avait dévoré la viande. Derrière, un "Clac" annonça l'ouverture de la grosse porte blanche.as te*}
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Tomber de bas ( Terminė)
PertualanganPeter et Théophile ont touché le fond. Le genre de trou ténébreux qu'on ne remonte pas avec une échelle, mais bien en utilisant son cerveau. Un brin de courage peut aider, mais est-ce suffisant ? Il va falloir se salir... Terminé, pas de modifs en v...