Eddy tenait la main de sa femme. Il sentait que quelque chose avait changé dans leur relation, ne serait-ce que ce contact entre leurs doigts autrement franc. Elle lui souriait plus souvent, l'écoutait, lui confiait des secrets qu'elle ne lui avait encore jamais révélés en sept ans de vie commune. Elle venait coller ses lèvres aux siennes avec enthousiasme, le prenait dans ses bras avec amour. Oui, Mathilde avait radicalement changé d'attitude. Son compagnon n'appréciait guère la raison de cette métamorphose, mais il avait décidé d'en profiter ce soir en l'invitant au restaurant gastronomique L'espadon, situé sur la célèbre place Vendôme. La note ne pouvait qu'être salée, mais Eddy s'attendait en retour à une nuit mielleuse avec sa dulcinée. Cette dernière, alors qu'ils traversaient le jardin des Tuileries, l'embrassa encore et lui dit:
— Mon amoureux ? Tu vois ce couple sur ta gauche, avec le monsieur qui est obligé de s'asseoir sur sa femme et non l'inverse tant elle mange à sa faim ?
— Ah, pour sûr, un aveugle ne les louperait point ! dit Eddy en se délectant d'un moment d'amusement avec la femme qu'il aimait.
Il faisait bien attention au vocabulaire qu'il employait. Bien que d'origine paysanne, Mathilde avait coupé tous les ponts avec sa première éducation. S'il jurait devant elle, la soirée tombait à l'eau.— Eh bien je suis persuadée que jamais de leur vie ils ne pourront s'offrir un plat au restaurant où tu m'emmènes. Et ça mon doux monsieur, ça me rend folle de joie, dit- elle en le fixant intensément. Ça m'excite tellement.
— Je parie que le dessert qui t'attend sera également au-dessus de tout ce qu'ils ont pu connaître depuis leur adolescence, répondit malicieusement Eddy.
— Ah oui ? Tu crois qu'ils proposent des mignardises à la noisette ? Ou des mille-feuilles avec des petites fraises dedans ? Oh mon amour, ce serait tellement parfait ! s'exclama Mathilde rêveuse.
— Euh oui, je pense qu'ils en font, se rattrapa Eddy, déçu qu'elle n'ait pas compris son clin d'œil coquin.
Soudain, un vent froid souffla sur eux et les fit grelotter. Eddy avait offert un manteau en fourrure à sa femme, mais il imaginait bien qu'elle était en train de l'insulter mentalement pour ne pas avoir commandé de taxi. Il culpabilisa d'avoir pris ce risque. "Et si cette nuit elle prétend avoir trop froid pour faire l'amour ?" songea-t-il agacé. Ils n'avaient pas renoué sexuellement depuis déjà quatre mois, Eddy les comptait. Sa fierté d'homme en prenait un coup. Il se surprenait parfois à s'imaginer peloter le gros derrière d'Mathilde comme un gosse fantasmant sur une fille de sa classe. Il imaginait parfois sans contrôle sa femme gémir, crier de jouissance...
— AAAAAAAH !! hurla brutalement Mathilde. "Ça recommence..." pensa Eddy, gêné de ne pas réussir à maîtriser son subconscient.
— Mon sac ! Mais fais quelque chose ! s'égosilla la jeune femme.Le publicitaire mit du temps avant de réaliser que sa femme criait vraiment et qu'un homme s'enfuyait avec son sac. "Pas question qu'il gâche MA soirée ! Ce soir, je couche !" se motiva Eddy.
Il sprinta à la poursuite du voleur, priant pour revenir comme un preux chevalier auprès de sa bien-aimée. Même si l'homme à la cagoule noire courait plus vite que lui, il se jura qu'il allait l'avoir au mental. Il donna tout ce qu'il avait, n'hésitant pas à sauter par-dessus les bancs pour gagner du temps ou à bousculer des flâneurs qui le gênaient. Mais la distance qui le séparait du criminel se creusait petit à petit malgré ses cabrioles. Le voleur dévia subitement sa trajectoire et sortit du parc. Il voulut traverser la route mais trop de voitures circulaient à ce moment-là. Il dû alors s'arrêter et en profita pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule dans le but de voir si un super-héros s'était accroché à ses basques. Quand il vu Eddy à quelques mètres de lui dégringoler les marches quatre par quatre avec l'agilité d'un chimpanzé, il prit le risque de courir vers le trottoir d'en face. Une grosse Mercedes dû piler pour l'éviter, puis des coups de klaxons s'en suivirent. Eddy profita du bouchon créé pour traverser sans trop de danger. Il avait ainsi rattrapé le voleur qui se tenait à présent à deux bras de lui.
— Arrête-toi salopard ! ordonna Eddy dans l'espoir d'être écouté.
Il s'apprêtait à rajouter une ou deux insultes, quand tout à coup, il réalisa qu'il se trouvait sur la place Vendôme, juste à côté du restaurant où il avait réservé une table. Quelques clients se retournèrent derrière la vitre, ainsi qu'un serveur troublé. Alors Eddy reprit un air sérieux et fit mine de courir un simple footing du soir. Une fois hors du champ de vision de ces honorables riches, il retrouva son air dément et ahana pour récupérer l'air dont il avait besoin. Finalement, le pourchassé avait regagné une certaine avance et finit par le semer à un carrefour. Après avoir viré à gauche, Eddy espérait remettre le voyou dans son collimateur, mais il s'était évaporé. Le publicitaire se retrouva seul dans une ruelle étroite et obscure ; il conclut donc que le voleur à bout de souffle s'était tout simplement planqué. Le jeune homme marcha alors à pas de loup jusqu'à ces grosses poubelles au milieu du passage, en essayant de camoufler au mieux sa respiration haletante. Mais alors qu'il se préparait à bondir sur le fugitif, on l'assomma. Il perdit connaissance, ainsi que ses chances de conclure la soirée en beauté comme il l'avait prévu.
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Tomber de bas ( Terminė)
PertualanganPeter et Théophile ont touché le fond. Le genre de trou ténébreux qu'on ne remonte pas avec une échelle, mais bien en utilisant son cerveau. Un brin de courage peut aider, mais est-ce suffisant ? Il va falloir se salir... Terminé, pas de modifs en v...