14. Tromperies

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Il rentra à dix-neuf heures cinquante, sa femme avait déjà préparé le dîner, ça sentait très bon le bœuf. Le publicitaire pouvait déjà imaginer les carottes baigner dans une sauce à l'ail et aux oignons, alors qu'un long couloir de huit mètres séparait l'entrée de la cuisine. Une odeur plus raffinée encore, se précipita dans ses narines. Ce parfum, c'était celui de son trésor. Elle ne mettait pas de produit, elle sentait naturellement bon. Eddy la retrouverait les yeux bandés dans une foule à Pékin. Il se concentra pour humer cette délicatesse, quand une odeur moins ragoûtante se mélangea à l'air, gâchant absolument tout.


— Chéri c'est toi ? Tu rentres tôt ce soir, comment ça se fait ? lança sa femme sans le voir depuis le salon.


— Euh ouai, il est presque vingt heures quand même.


— Ah déjà ? Bon, tu as reçu mon message ? demanda-t-elle sans le rejoindre dans le salon.


— Non. Tu me disais quoi ? s'intéressa Eddy craignant le pire.


— Vraiment ? Eddy il faut vraiment que tu me rachètes un portable qui tienne la route, c'est embêtant du coup ! Comme tu ne répondais pas, je me suis permis d'inviter monsieur De Saint-Roman. Ça ne te dérange pas j'espère ?


— Pas du tout Mathilde, tu as très bien fait ! répondit-il faussement enjoué.


La poisse l'avait donc suivi jusqu'ici. Sa merveilleuse femme essayait encore de lui faire gober qu'elle lui envoyait des messages toute la journée. Elle voulait juste passer de l'IPhone 6 à l'IPhone 7. Et comme si ce n'était pas assez de le prendre pour un con, elle invitait ce gros bourge de Jean-Yves. Bien qu'Mathilde fût magnifique, drôle, souriante, et douce, comme chaque personne elle avait aussi ses défauts. L'argent l'attirait tellement... Elle invitait souvent de riches voisins à souper. Eddy n'avait jamais essayé de comprendre pour éviter de se faire mal à l'esprit. Mais ce gros monsieur moustachu commençait à venir un peu trop souvent chez lui. "Je l'étrangle ou je travaille ma pub ?" se demanda-t-il. "Je termine ma pub et je l'étrangle ensuite".


— Bonsoir Jean-Yves, je ne vous serre pas la main hein ? précisa Eddy en laissant l'invité perplexe dans la salle de vie. La pièce était connectée à la cuisine par un bar ouvert. Je ne me joindrai pas à vous, j'ai du pain sur la planche, précisa l'hôte en remplissant son assiette de blanquette à ras bord.


Il aperçut le visage outré de sa femme et eut une idée de génie, capable de repousser les limites de son expression. "T'as ouvert un vin ? Bon choix, c'est pile la bouteille qu'il fallait avec ce plat !" s'émerveilla-il en marchant vers leur table. Il embarqua la boisson que le convive regarda partir avec de la bave aux coins des lèvres. Installé dans son bureau, il boucla l'endroit à double tour. Ce geste provocateur lui permettait d'offenser l'intrus sans bruit ni fracas ; la grimace qui s'était dessinée sur le visage de J-Y, faisait ressentir à Eddy la victoire sur un ennemi agonisant le gosier sec. Il en rigola seul dans son grand espace de travail, avant d'avaler goulûment les premières bouchées de son repas. Morceaux après morceaux, il dévora tout jusqu'à ce que l'assiette brille, comme si son estomac une fois bien rempli allait remercier son propriétaire par une idée de publicité époustouflante. Mais les idées restaient terrées quelque part dans son cerveau. Pour qu'elles refassent surface, Eddy goulota la bouteille de vin d'un seul trait et ajouta du cognac dans son estomac quand celle-ci se fit légère. Il se sentait un peu barbouillé. "Le tout est de ne pas s'énerver. Je n'ai sûrement pas assez mangé, le manque d'inspiration ne peut venir que de là", pensa le jeune homme en sachant pertinemment que ce songe n'était qu'une excuse. Il quitta son bureau pour la cuisine où la nourriture abondait. Les deux s'arrêtèrent immédiatement de parler lorsqu'il pénétra dans la cuisine. Se doutant qu'il interrompait une conversation qui n'avait pas lieu d'être, il s'énerva gentiment. Ses gestes étaient vifs et mal assurés, le breuvage faisait déjà effet:

Tomber de bas ( Terminė)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant