(1 an plus tard)
Il plongea dans l'eau. Elle était tiède, sa peau l'était aussi, il frissonna. Les mains l'une sur l'autre et la tête bien rentrée, il parcourut plusieurs mètres en ondulations avant d'émerger et de démarrer un crawl presque parfait. Ses muscles rendus puissants par l'entraînement lui permettaient de tracter efficacement la masse liquide, ce qui lui donnait la possibilité de doubler aisément les nageurs moins à l'aise, présents dans la piscine résidentielle. Longueurs après longueurs, il ne s'essoufflait plus. Rien à voir avec la première fois où il mit l'orteil dans le bassin, lorsque le maître-nageur l'eut rattrapé par l'élastique de son slip. Cette surprenante progression agaçait le meilleur nageur de l'immeuble, devenu second. Chaque fois que Peter le dépassait, ses membres moussaient l'eau, le monsieur donnait tout ce qu'il avait. Il réussissait à suivre Peter sur une ou deux longueurs, mais à quel prix ? Epuisé, lui s'accrochait au mur pour récupérer quelques minutes, haletant comme un chien. Peter s'était trop entraîné pour qu'on puisse le battre. Au début mauvais nageur, il avait persévéré, comme dans le travail, comme en amour. Peter n'avait jamais rien lâché.
A son tour, il s'arrêta pour récupérer de ses kilomètres. Ses pieds se posèrent agilement sur le carrelage. À travers les petits remous, il distinguait ses ongles de pieds, plus propres que jamais. Pédicures après pédicures, il avait fini par terrasser la crasse accumulée dessous, au plus grand soulagement des spécialistes chargés de l'affaire. Des masseuses s'étaient occupées de détendre tous ses nœuds, l'une avait dit un jour: "même mes câbles électriques à la maison sont plus faciles à démêler !" Désormais il se tenait droit et non plus comme un papi atteint d'une scoliose. Il avait même pu reprendre la course à pieds. Peter se sentait bien dans son nouveau corps, il avait été intégralement retapé. Et pas qu'en apparence ! Les nutritionnistes engagés pour réaliser un état des lieux descellèrent au premier rendez-vous d'importantes carences. "Monsieur, vous avez l'intérieur d'un homme qui aurait remplacé les cinq fruits et légumes par jours par cinq bières et burgers." avaient-ils annoncé pour décrire la situation périlleuse. Puis en quelques mois, à force d'éplucher des carottes et de boire des soupes, ses boyaux avaient repris des couleurs. Il n'avait plus bu une seule bière depuis son premier diagnostic, remplaçant la bibine par du vin rouge de qualité. Quelle joie quand on lui avait soufflé qu'un verre de vin par jour réduisait le cholestérol ! Peter ne se refusait pas non plus quelques restaurants gastronomiques où il découvrait des aliments aussi bons au goût que pour la santé. Ses efforts mis bout à bout, son état s'améliora de façon spectaculaire. À la dernière entrevue, il fut félicité par les professionnels: "M. Perrot, vous mangez mieux que neuf-dixième de la population française, toutes nos félicitations !" Oui, les gens l'appelaient de plus en plus souvent par son nom et avec un respect distingué.
Peter se hissa hors de l'eau en prenant appui sur l'échelle métallique, puis se dirigea vers son transat où l'attendait sa serviette blanche. Des lettres dorées brillaient au loin, il avait fait broder son nom. Chaque fois qu'il apercevait son tissu, un grand sourire se dessinait sur son visage. "Personne n'a la même, elle est unique, elle est à moi". Mais quand on n'est pas dans sa tête, difficile de comprendre son enthousiasme... Une jolie blonde – qui venait bizarrement tous les soirs à la même heure que lui – prit cette joie spontanée pour son grade. Elle lui rendit son sourire et se redressa sur sa chaise. La fille se grattait le menton, sournoise. Si Peter ne l'avait pas abordée après tous ses regards aguicheurs, peut-être devait-elle faire le premier pas ? Le jeune adonis n'avait jamais songé à lui parler. A vrai dire, il s'était habitué à la façon dont le regardait la plupart des femmes depuis qu'il avait laissé pousser ses cheveux jusqu'aux épaules, et blanchi ses dents. Le savon avait vaincu la couche sale sur sa peau, ça changeait beaucoup son visage. Et ses vêtements n'avaient pas changé, en dehors des trous. Il adorait toujours autant ses salopettes et ses gros pulls aux couleurs pétantes ; son style vestimentaire prenait un sens grâce à la propreté. Qui l'eut vu dans le métro un an plus tôt ne se serait jamais douté de son potentiel physique. Peter était beau comme un dieu.
Alors qu'il séchait ses cheveux en les frottant dans sa serviette, quelqu'un posa une main glaciale sur son torse.— Monsieur, votre nœud de maillot de bain n'est pas bien fait, laissez-moi arranger ça.
Elle avait craqué. La jeune fille – il venait de remarquer qu'elle était à peine majeure – s'était levée de son poste et avait craqué. Sans lui laisser le choix, elle s'était emparée du fil qui dépassait de son maillot de bain, effleurant le bas de ses abdos au passage. Ses poils s'hérissèrent, il ne contrôla pas un début d'érection – qu'elle remarqua avec délectation – mais il contrôla ses ardeurs: "Je vous demande pardon, je dois dîner avec ma copine". Malheureusement, Peter restait un novice en la matière et ignorait qu'il venait juste de se faire davantage désirer par la fillette.
— Oh vous êtes en couple ? Il n'y a pas de mal, je ne suis pas jalouse, déclara-t-elle en caressant la partie de plus en plus saillante, celle qu'elle se prédestinait.
Peter fut surpris par ce forçage sexuel, lui qui avait parlé de sa petite amie afin de la refroidir ne s'attendait pas à avoir finalement mis le four sur température "grill". Il fallait qu'il fuit, et sans attendre. "Je vais y aller, à une prochaine fois jeune fille", dit-il en s'éloignant précipitamment. Il regretta immédiatement le "à la prochaine fois" qui ne faisait que reporter les ennuis.
Il enfila ses vêtements en vitesse par crainte qu'elle ne s'immisce dans sa cabine sans y être invitée. Ses pectoraux encore mouillés rendirent transparent son t-shirt blanc, ses tétons apparurent. "Merde, si je recroise la gamine...", pensa-t-il agacé. Dans la panique, il se chaussa avant d'avoir enfilé son pantalon, le stress fut décuplé. Si Peter avait voulu perdre du temps, il ne s'y serait pas mieux pris ! Il dû retirer ses chaussures, mais au moment où il se baissa pour défaire ses lacets, il aperçut par l'espace sous sa porte, de petits orteils peints qui dodelinaient d'impatience. Même ses pieds étaient sexy... Peter pensa de toutes ses forces à sa copine et chassa les mauvaises pensées de son esprit. Tout en s'habillant en hâte, il réfléchit à comment il allait l'esquiver. Mais il était coincé entre quatre murs, acculé comme un cochon à l'abattoir. Le boucher sifflotait devant la porte pour faire passer le temps ; elle était sûre d'obtenir son quatre-heures. Peter n'avait plus le choix. Il devait appliquer la seule idée qui pourrait l'aider à s'en débarrasser définitivement... Mais cette idée était si... inhumaine ! "Courage, je dois faire preuve de courage" s'encouragea Peter. Il se lança : le pantalon baissé jusqu'aux genoux, il attrapa son sexe, puis attendit. Quelques secondes suffirent, le fluide jaunâtre coula. Le garçon dû forcer sur sa verge pour viser à cause de son érection, pour pisser droit. La situation le rendait mal à l'aise, mais arroser les pieds de la nymphomane lui parut être la meilleure idée.— Aaaaah ! Espèce de malade ! Sale con ! entendit Peter, plutôt fier de lui.
Il attendit une minute ou deux, puis sortit sereinement de sa cage. Bingo, elle était partie ! Il enfila son sac à dos puis passa entre les gros casiers jaunes, direction la sortie. Mais au moment où il allait quitter les lieux, la folle réapparut et le plaqua contre le mur. "T'es un gros dégueulasse ! Ça m'excite !" Elle l'embrassa de force. Excédé, il l'envoya valdinguer au sol et prit la fuite pour de bon. Pas question d'arriver en retard, Lisa l'attendait pour dîner.
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Tomber de bas ( Terminė)
AventuraPeter et Théophile ont touché le fond. Le genre de trou ténébreux qu'on ne remonte pas avec une échelle, mais bien en utilisant son cerveau. Un brin de courage peut aider, mais est-ce suffisant ? Il va falloir se salir... Terminé, pas de modifs en v...