(Réécriture) Reality - Tome 3 - Abby et son Prince Charmant...

18 - Mamie Sophie - Part 1

En entrant dans la voiture, je mis automatiquement mon mp3 en route. Après une journée si vive en émotion, il fallait que l'on évacue en écoutant un peu de musique. Je mis une playlist contenant essentiellement du System Of A Down et roulais vitre ouverte pour sentir le vent frais sur moi. Sidney jetait des coups d'œil discrets dans ma direction en silence en battant le rythme de la musique de la main sur sa cuisse.

Puis le style de musique changea radicalement. La voix d'Ed Sheeran envahit l'habitacle à mon grand bonheur. Sidney était de bonne humeur. Il chantonnait doucement sur les chansons qui passaient. Mais lorsque la chanson Afire Love arriva, je lançai ma main pour passer à la suivante. Et bien qu'il savait parfaitement de quoi parlait cette chanson, Sidney arrêta mon geste. Il aimait cette chanson et bien qu'elle lui causait toujours un petit pincement au cœur, ça lui faisait du bien de l'écouter. Je savais qu'elle parlait d'un membre d'une famille atteint de la maladie d'Alzheimer. Et en l'écoutant aujourd'hui et connaissant ce pan de la vie de Mamie Sophie et Sidney, je la percevais différemment. Cette chanson était émouvante en soi, mais là elle me touchait davantage. Comme je conduisais, je ne pouvais vraiment faire autre chose que de l'écouter et laisser mes larmes couler.

Contrairement à la veille, c'est moi qui gardait le silence incapable de sortir de mes pensées. Sidney avait mis une distance entre nous hier soir suite à mon baiser. D'après Mamie Sophie, il avait peur de l'abandon. Elle m'avait aussi parlé de Chloé. Il ne m'avait jamais dis qu'il avait une sœur... mais pourquoi ? Étaient-ils en froid ? La réponse était certainement sinon il m'en aurait parlé. Mais était-ce la raison de son refus de faire entrer quelqu'un dans sa vie ? Encore une fois, la réponse était certainement. Parfois les histoires de familles marquaient suffisamment les gens pour les façonner. S'il était proche de sa sœur et qu'elle l'avait rejetée alors qu'il était petit ou influençable... et si elle était décédée ? Cela expliquerait sans doute pourquoi il n'en parlait jamais. Je sentais bien que ce sujet allait être épineux à aborder. Alors comment l'amener en douceur ? Dans tout les cas, j'allais me sentir mal de le forcer à parler de quelqu'un qui n'est plus dans sa vie aujourd'hui. Mais une promesse est une promesse. Surtout lorsqu'elle a été faite auprès d'une personne mourante.

J'attendis donc le moment opportun pour me lancer. Ne voulant pas gâcher la bonne ambiance qui régnait tout au long de la journée, ni nos rires en faisant la vaisselle, je gardai le silence. Ce n'est qu'une fois couché que je pris mon courage à deux mains. Je glissai alors dans sa chambre comme la veille au soir.

- Sidney, je ne suis pas venue te soutirer un baiser, le rassurai-je immédiatement et stupidement sur le motif de ma présence ici et à cette heure.

- Je sais pourquoi tu es là, dit-il alors avec un petit sourire, tout en ouvrant son lit pour que j'installe à ses côtés. J'ai été bien plus rapide que ça pour prendre les cafés tout à l'heure. J'ai entendu votre discussion. Et surtout ta promesse.

- Je suis désolée, dis-je mal à l'aise et regrettant ma démarche. C'est juste que j'ai promis à ta mère de...

- De me faire parler de Chloé, acheva-t-il à ma place d'une voix résignée, son regard se posant derrière moi dans le vide. Elle pense encore que mon rejet des gens vient d'elle. Elle a sans doute raison. Mais il y a des douleurs irréversibles. C'est comme ça. On m'a dit que ma colère allait passer avec le temps. Mais la vérité est que ce ne sont que des foutaises. Ma colère et mes peurs sont toujours là, même après autant d'années. Mais pouvais-je lui en vouloir ? Je suis un monstre tu sais. Incapable de rendre sa propre mère heureuse. Alors si la femme qui est censé m'aimer le plus au monde n'y arrive pas c'est bien qu'il y a un problème en moi. Mamie Sophie a toujours été une mère formidable et aimante. Mais elle est et restera ma grand mère, termina-t-il en me fixant droit dans les yeux.