chapitre 10 Zora

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J'avais passé le reste de la journée, assise dans une tente de fortune moyenâgeuse, les mains liées dans le dos, avec deux hommes devant l'entrée de ma prison pour me garder à l'intérieur de celle-ci. Le seul moment où je fus libre de mes mouvements était lors des repas, mais là encore, Sébastien resta avec moi tout du long, sans me lâcher du regard.

Par pur esprit de contradiction, je refusais d'avaler la moindre miette de ce que cet homme pouvait me donner. Ce qui ne l'empêcha nullement de se baffrer devant moi, sans scrupule. Il mangea tout, sans rien laisser, dans un laps de temps très court. Quand il eut fini, tandis qu'il se léchait les doigts, il désigna d'un signe de la tête mon repas, intact.

- Tu devrais manger, me recommanda-t-il sur le ton de l'indifférence. On ne reprend la route que demain matin, quand nos troupes reviendront avec ta chère sœur, mais tu ferais mieux de prendre des forces. Le voyage pourrait bien être plus longue que prévu.

Je le snobais superbement, repoussant l'assiette de bois posée devant moi d'un geste écœuré de la main, le nez en l'air, avant de croiser les bras sur ma poitrine.

- Comme tu voudras, dit simplement Sébastien, ne se préoccupant apparemment pas tant que ça de moi.

Il reprit mon écuelle, puis rattacha mes mains entre elles. Je ne m'y opposais pas, je n'en n'avais pas la force. Mais je ne comptais pas non plus lui faciliter la tâche. Malgré une faible résistance, la poigne ferme de ses mains sur les miennes eu rapidement le dessus. Ce qui me faisait bouillonner intérieurement et, bien que j'essayasse de garder le visage le plus neutre et assuré possible, je commençais à douter que je tiendrais bien longtemps. Sébastien ne resta pas plus à mes côtés, sortant de la tente sans même un dernier regard pour ma pauvre personne.

Au dehors, la nuit tombait doucement, projetant son obscurité sur nous. Bientôt les seules lueurs que je parvins à discerner furent celles des flammes qui dansaient sur la toile de la tente, sans que je ne puisse en déterminer la source.

À mesure que la luminosité baissait, ma fatigue augmentait. Je luttais le plus longtemps qu'il me fut possible de le faire. Je m'obligeais d'abord à garder les yeux ouverts, puis à penser sans m'arrêter pour ne pas tomber dans les bras de Morphée. Malheureusement, ils m'attrapèrent bien assez tôt et je n'y pus rien.

Mais alors que je cessais de lutter, une lumière blanche irradia la pièce et je me couvris les yeux de mes mains pour les protéger. Quand la lumière s'estompa et que je fus en capacité de rouvrir les yeux, ce que je vis me cloua sur place. Admen se tenait devant moi, son éternel petit sourire satisfait sur les lèvres, en chair et en os. Ou, tout du moins, le paraissait-il. Je secouais la tête, sans pouvoir détacher les yeux de lui. C'était impossible. Comment pouvait-il... ? Soudainement, je compris.

- Tu n'es pas réel, n'est-ce pas ? Demandais-je tristement en détaillant l'apparition devant moi.

- Je n'en sais rien, répondit-il d'une voix douce. À toi de voir si je le suis ou pas, c'est ton histoire. En revanche, poursuivit-il en s'approchant de moi à pas lent, j'ai bien peur que si par réel tu entendais vivant, la réponse ne soit « non ».

Je le fixais avec des yeux vides, et c'était exactement ce que je ressentais en ce moment même. Un immense vide en moi. Malgré cela, un mélange de peur et de culpabilité s'insufflait en mon cœur. Les larmes me montèrent aux yeux, et avant que je ne puisse les retenir, se mirent à rouler sur mes joues.

- C'est ma faute, si tu es mort, lâchais-je d'une voix blanche et tremblante. C'est presque comme si j'avais ton sang sur mes mains. J'ai beau frotter, il ne part pas.

- Tu as faux pour une fois, Zora, me rabroua-t-il sans se départir de sa fierté apparente. Mourir pour te sauver aurait été un honneur, si je n'avais pas échoué, continua-t-il d'un air amer. Alors, si je peux te donner un dernier conseil, évite de me rejoindre ici tout de suite. Je t'avoue que ça m'aiderait pas mal à rester en paix.

IslynnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant