Chapitre 30 Zora

4 2 0
                                    

Allana nous avait guidé hors de la forêt, sans me lâcher. Nous avions trouvé là les Cavalli abandonnés par les soldats que nous venions de massacrer à proprement parler. Sans nous poser plus de question, nous avions sauté sur ces braves bêtes et prit la fuite au plus vite, laissant derrière nous ceux qui ne nous servaient pas.

Je fus soulagée de pouvoir me laisser porter par l'animal, qui se fichaient pas mal de la personne qu'elle avait sur le dos. J'étais encore sous le choc de ce qui venait de se passer, et mon regard restait fixé dans le vide, devant moi, sans qu'aucun son ne puisse sortir de ma bouche. Allana ne tarda pas à le remarquer, le ressentant probablement. Elle ralenti l'allure de son Cavalli pour se placer à ma hauteur.

- Comment te sens-tu ?

- Je sais pas trop, avouais-je articulant difficilement.

- Écoute, je sais que la première vie que l'on prend n'est jamais facile à surmonter, mais tu n'avais pas le choix. Ils nous auraient massacré si nous n'avions pas agi, essaya-t-elle de me rassurer en me souriant gentiment.

- Tu n'y es pas, la rabrouais-je plus rudement que je l'aurais voulu. Je ne ressens absolument rien. Je me fous complètement de ce que je viens de faire, alors que j'ai donné la mort de sang-froid. En fait, si. Je ressens la culpabilité de ne rien ressentir face à tout ça, m'énervais-je contre moi-même. J'ai l'impression d'être un monstre sans cœur.

- Je t'interdis de dire une chose pareille ! S'emporta Allana à son tour. Tu devrais plutôt d'estimer heureuse de ne pas subir les tourments de la première vie enlevée par ta main, car crois-moi, ils seraient pire que ce que la culpabilité qui t'habite en ce moment. Tu n'avais pas le choix, et t'en vouloir ou non n'y aurait rien changé.

Je le regardais, un peu perdu. Malgré ces gentilles paroles, je ne parvenais pas plus à me flageller pour le meurtre que je venais de commettre, que de trouver cela normal. J'avais réellement la sensation de ne pas valoir plus que ces gens qui nous avaient quittés. La beauté de ses yeux si pâles et de son visage fin et délicat, me détendait un peu, mais ce fut la main aimante et compatissante qu'elle posa sur la mienne, en équilibre sur son Cavalli, qui acheva de m'apaiser.

- Comment tu l'as vécu, toi ? Voulus-je savoir d'une petite voix, curieuse. La première fois que tu as tué quelqu'un ?

Elle eut un sourire mi-amusé, mi-triste, plongeant ses yeux dans le paysage devant elle, en pleine réflexion. Elle soupira et reposa la main sur les rennes de son Cavalli.

- Ce n'était pas dans les mêmes conditions, débuta-t-elle, le regard soudainement moins expressif. Lorsque le tyran est monté sur le trône, tout ceux qui avaient juré fidélité au roi se sont fait pourchasser, abattre, torturer et autres horreurs que le tyran cautionnait sans broncher. Des hordes de bandits envahissaient les villages, qui furent rasés pour la plupart, et massacraient leurs habitants. Je n'avais pas encore la majorité quand ils s'en prirent à la ferme où nous habitions, mes parents, ma petite sœur et moi. Ils ont battu mon père et violé ma mère sous nos yeux impuissants. Mais ce n'est que lorsqu'ils se sont approchés de ma sœur que j'ai perdu le contrôle. Mon pouvoir n'était pas très présent, puisque mon Arsif, toi (elle me sourit affectueusement, d'un sourire qui n'atteignit jamais ses yeux), ne s'était pas encore déclaré. Mais ce jour-là, il m'a envahi entièrement et je l'ai déchainé sur les hommes qui s'en prenaient à ma famille. J'ai fait bouillir leurs sangs jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une seule goutte dans leurs corps. Ils ont hurlés de douleurs, se sont tordus pendant de longues minutes, ont suppliés pour leur vie, puis pour que l'on abrège leur souffrance, mais j'ai pris mon temps. Je n'avais jamais ressenti autant de haine en moi, ni un tel désir de voir quelqu'un mourir dans l'atrocité de douleur que je leur infligeais. Après ça, j'ai vomi jusqu'à me vider entièrement et j'ai pleuré pendant une semaine en pensant à la cruauté de mon geste, acheva-t-elle en tentant d'adopter un ton plus léger.

IslynnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant