Islynn

Chapitre 17 Leslie

La nuit venait tout juste de tomber sur la petite forêt où nous étions cachés lorsque mon grand-père décréta solennellement que le moment était venu de renter chez nous. Cette nouvelle provoqua une vague d'excitation en moi. Après avoir rapidement emballé nos maigres affaires et effacé toute nos traces, nous sortîmes devant la cabane.

L'un des Arsifs de mon grand-père, un homme massif du nom d'Enguerrand au visage grave, sortit une pierre blanche et brillante qu'il tendit à mon grand-père. Je l'étudiais avec attention de là où je me trouvais, et remarquant que je m'y intéressais, Maxime se glissa à mes côtés pour me chuchoter à l'oreille :

- C'est une pierre de l'arbre sacré. Elle permet d'ouvrir un portail entre nos deux mondes. Je ne sais pas exactement d'où elles viennent, mais apparemment elles sont plutôt rares.

- Il existe aussi des portails naturels, mais ils sont tout aussi rares et durs à trouver, à ce qu'il paraît, compléta Clément en se rapprochant de moi à son tour.

Je hochais la tête, tandis que mon grand-père prenait avec précaution la pierre blanche, pour ensuite la jeter de toutes ses forces sur le sol, où elle explosa comme une broutille de verre. Elle laissa un cercle fumant sur le chemin de terre devant nous, à peine assez grand pour y accueillir un homme à la fois. Les premiers à y entrer furent Enguerrand et son Arsif, une femme du nom de Maria. Ils disparurent aussitôt, l'un après l'autre, comme s'ils avaient été aspirés par le cercle, devant mes yeux ébahis.

Mon grand-père se tourna ensuite vers nous, nous invitant à les imiter. Clément fut le premier à vouloir s'y essayer, Johanna à sa suite, puis Maxime. Avant d'en faire de même, Quentin me lança un regard inquiet et je tentais de paraître forte pour l'encourager. Néanmoins, je sentis un pincement au cœur lorsque je le vis disparaître subitement. Il ne restait désormais plus que Léovia et Rosalie, mon grand-père et moi-même.

Et si j'étais surexcitée à l'idée de découvrir mon pays dont on ne cessait de me parler depuis ces quelques jours, au moment de m'avancer vers le cercle, je me déconfis aussitôt. Je ne m'y attendais pas réellement, mais au fond de mon être, je me sentais apeurée. Apeurée que ce monde dont on me chantait les louanges ne soit pas celui que j'attendais. Que je ne l'ai idéalisé pour compenser tous les malheurs que je subissais. Ou encore que je ne m'habitue jamais à ce pays, qui même s'il était celui de mes parents, ne serait peut-être jamais mien.

Ces peurs me tétanisaient et m'empêchaient d'avancer, au sens propre comme figuré. Sans que je n'en prenne réellement conscience, je reculais de quelques pas. Mon grand-père posa sa main sur mon épaule, m'insufflant un peu de courage. Suffisamment pour que, sans réfléchir, je me place au centre du cercle.

Aussitôt, je me sentis aspirée dans un étrange tourbillon, et mon estomac se contracta, manquant de me couper le souffle. Je fus ensuite projetée durement sur un sol rocailleux, m'écorchant les mains au passage. Mais je ne le remarquais qu'à peine. Je levais les yeux sur ce qui m'entourait, et mes craintes s'envolèrent dès qu'ils se posèrent sur une montagne immense qui nous surplombait de toute sa hauteur.

Une main apparut subitement devant mon visage, m'obligeant à me reconcentrer sur mes compagnons. Je la saisis, et fut relevée presque immédiatement. Une décharge électrique me parcourut quand je pris conscience qu'elle appartenait à Quentin, qui me regardait en souriant. Je remarquais tout aussi vite que quelque chose avait changé chez lui, sans que je ne sache précisément de quoi il en retournait. En revanche je savais avec certitude que s'il me plaisait déjà auparavant, il me charmait plus encore maintenant.

Je détournais les yeux, mes pommettes rougirent et j'eus soudainement très chaud. Comme la première fois que je l'avais rencontré, comme si je le redécouvrais entièrement. Heureusement il ne parut pas le remarquer, tant il y avait à voir tout autour de nous.