Nous nous éloignâmes un peu, suivant le chemin qui s'enfonçait dans la forêt. Sans que je ne puisse détourner les yeux de lui, je commençais à comprendre la familiarité que je ressentais quant à cet homme. Je brisais rapidement le silence qui avait eu la bêtise de penser que je le laisserais s'installer entre nous.
- Je ne comprends pas grand-chose de ce qu'il se passe, confiais-je à mon grand-père, bien que je ne parvienne à le nommer ainsi à voix haute. J'espérais que vous pourriez m'expliquez un peu mieux ce qu'il arrive réellement.
- Sois sans crainte, mon enfant. Je répondrais à la moindre de tes questions désormais. Quelles qu'elles soient, et même si certaines des réponses que je te donnerais seront difficiles à entendre, me rassura-t-il en serrant ma main, toujours posée sur son bras, dans un geste chaleureux.
J'ouvris la bouche, plus hésitante que jamais. J'avais une question bien précise dans la tête, mais elle refusait simplement de franchir mes lèvres, comme si j'étais, d'une certaine façon, incapable de le formuler à voix haute. Quand enfin j'y parvins, je m'entendis parler plus que je décidai vraiment de le faire :
- Parlez-moi de mon père.
Mon grand-père me jeta un regard surpris, puis hocha la tête. Je me demandais s'il regrettait déjà d'avoir accepté de répondre à mes interrogations. Néanmoins, il y répondit avec beaucoup de douceur :
- Que sais-tu de ton père ? Me demanda-t-il d'abord.
- Pas assez de choses apparemment, supposais-je dans un haussement d'épaules malaisé. Maxime en a fait un mystère étrange, ce qui me fait penser qu'il y a des choses que j'ignore. C'est comme si j'avais vécu toute ma vie avec de parfaits inconnus.
- Ta mère ne t'en as jamais parlé, devina-t-il, plus parce qu'il venait de le comprendre qu'attendant ma confirmation.
Mais sa supposition me laissa pantoise. Qu'entendait-il par-là ? Sans ajouter qu'il y avait apparemment beaucoup d'éléments dont ma mère ne m'avait jamais parlé.
- Je ne comprends pas..., laissais-je échapper, plus angoissée encore.
Il prit une profonde inspiration, et sans s'arrêter de marcher, mon grand-père se lança :
- Vous n'avez jamais connu votre père, Leslie. Il est mort avant de pouvoir s'enfuir d'Islynn avec ta mère.
Je battis rapidement des paupières plusieurs fois, pour assimiler l'information. S'assurant d'un coup d'œil que j'allais bien, il continua :
- Je vais devoir remonter un peu le temps pour te parler de ton père. Cela me permettra de te raconter l'histoire de ton pays, mais si tu as des questions, n'hésite pas à me le signaler, me dit-il en reposant sa main sur la mienne, qui n'avait toujours pas lâché son bras. Il y a trois ans..., commença-t-il avant de s'interrompre lui-même et de préciser, sais-tu que le temps ne s'écoule pas de la même manière dans nos deux mondes ?
Je secouais la tête, le regard concentré sur le paysage devant moi. À ce stade-là, je ne tentais plus de démêler le vrai du faux, mais d'assimiler toutes les informations que l'on me jetait au visage.
- Pour moi, cela ne fait pas plus de trois ans que tout a commencé. Ta mère avait alors dix-huit ans, et s'apprêtait à prononcer ses vœux pour enfin rentrer dans la garde royale, en compagnie de son Thoran...,
Il marqua de nouveau une pause, mais je l'encourageais à continuer.
- Maxime m'a déjà raconté ce qu'était les Arsifs, lui assurais-je, de plus en plus curieuse.
- C'est une bonne chose, sourit-il. Ainsi donc, ta mère ne put jamais prononcer ses vœux, car elle n'était pas liée à un seul Thoran, mais deux. L'un d'eux était le fils de mon plus fidèle conseiller, Zador Anime, le second était ton père. Ton vrai père, Luc Barrick. Jamais cela ne s'était produit, et malgré la collaboration de tous les conseillers du royaume, aucune solution ne furent apportés. Mon conseiller, un homme à qui j'avais toujours accordé la plus grande confiance, dévoila alors son véritable visage. Il voulait forcer les traditions, tuer ton père, pour que ta mère puisse s'unir à son fils, qui deviendrait alors le futur roi d'Islynn. Mais ta mère ne l'entendait pas de cette oreille, s'amusa-t-il en évoquant sa fille, probablement empli de souvenirs. Elle avait horreur qu'on lui dise ce qu'elle devait faire, prenant même un malin plaisir à désobéir aux ordres. Par ailleurs, elle venait de tomber amoureuse de ton père. Cependant, le problème venait de prendre une toute autre tournure, car les membres du conseil de Moriandri, la ville où se trouve le château de notre famille, poussés par mon conseiller, venaient à l'unanimité de voter la mort de l'un des deux Thoran de la future reine de notre royaume. Seulement, à ce moment-là, il était persuadé que ta mère ne choisirait jamais ton père, mais bien son fils. Sentant la situation lui échapper, Zador retourna le peuple contre notre famille. Ta mère, dévastée, prit la fuite en compagnie de ton père. Elle voulait se réfugier dans l'autre monde, le monde humain, car elle venait aussi de faire une découverte qui allait changer son sens du devoir. Elle était enceinte de vous. Cela l'a bouleversé, elle refusait de vous offrir une vie de fuite, et de danger qu'était désormais notre royaume. Zador n'avait pas tardé à prendre ma place, et lancer une chasse à l'homme la plus frénétique que notre royaume ait connu. Ils retrouvèrent tes parents, et tendirent un piège à ton père, le tuant dans la bataille qui s'en suivit. Heureusement, ta mère y échappa de justesse et eut le temps de rejoindre le monde humain avant de subir le même sort. Je n'ai eu aucune nouvelle de ta mère pendant ces deux dernières années. Puis un jour, il y a quelques semaines, j'ai réussi à prendre contact avec elle. Mais ce sont des détails que je ne peux te donner ici et maintenant car ce monde n'est pas sûr. Attendons d'abord de retourner à Islynn, termina-t-il en lâchant finalement ma main, délicatement.
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Islynn
FantasiLeslie et Zora sortent tout juste du lycée, fraîchement diplômées, prêtes à affronter leurs études. Mais il semblerait que le destin en ait décidé autrement. Les voici donc toutes deux projetées dans un monde dont elles ne savent rien, excepté qu'e...