Chapitre 16 Zora

21 4 2
                                    

Nous avions atteint le château presque trop vite à mon gout, dans le même manège que la première fois, quelques minutes plus tôt. Cette fois nous nous dirigeâmes nous aussi vers ces énormes portes de bois, que je franchis avec une appréhension certaine. Je ne prêtais que peu d'attention à ce qui nous entourait, mon angoisse grandissant à chacun de mes pas ne me permettant pas d'admirer la décoration. Néanmoins je me rappelle avec précision la sensation écrasante qui m'affligea lorsque nous traversâmes un long couloir sombre et lugubre.

Nous débouchâmes sur une autre porte de bois quasi identique à la première, et bien que plus petite, elle était toute aussi démesurée.

- Attends-moi ici, me dit Sébastien.

Et pour la première fois, cela ne sonnait pas comme un ordre mais plutôt un conseil. Ravie de pouvoir repousser mon entrevue, quoiqu'effrayée de devoir rester seule, je me figeais. Il ouvrit les portes, qui laissèrent découvrir une salle du trône immense. La pièce était bien plus lumineuse que le couloir derrière moi, et vide si l'on excluait la rangée de gardes qui se tenait de chaque côté de la salle, menant au trône en question, où était assis un homme plutôt jeune, que je ne distinguais pas bien de là où je me trouvais. Sébastien s'avança de quelques pas, avant d'être stoppé par les gardes les plus proches, qui lui barrèrent sèchement la route.

- Sa Majesté le Roi ne souhaite pas être dérangé pour le moment, annonça l'homme de droite, sans un regard pour Sébastien. Il attend un rendez-vous de la plus haute importance.

- Dans ce cas, vous pouvez lui dire qu'il est arrivé, répliqua ce dernier sans se démonter, en me désignant du pouce.

Les hommes me jetèrent un regard rapide, avant de revenir à leur position initiale sans un mot. Néanmoins, je sentis que l'un des deux ne me lâchait plus des yeux et je me demandais si lui aussi ne voyait en moi que ma mère. Sébastien me fit signe de ne pas bouger et marcha d'un pas assuré en direction de son frère.

J'étais bien trop loin pour voir et entendre avec exactitude ce qu'il se passait de l'autre côté de la pièce, mais la conversation ne s'éternisa pas, et bientôt le Roi ordonna à ces gardes de quitter la pièce d'une voix autoritaire qui porta jusqu'à mes oreilles. Tous obéirent sans discuter et avec empressement, tandis que Sébastien se rapprochait de moi. Il m'offrit son bras en m'encourageant d'un regard à m'y accrocher. Je passais ma main sur son biceps, des sueurs froides me dégoulinant le long du dos.

- Ne parle pas sans que tu n'y sois obligé, et surtout réfléchis bien à chaque mot que tu utiliseras, préconisa-t-il à voix si basse que j'eus moi-même du mal à l'entendre.

Je hochais imperceptiblement la tête, pour lui faire savoir que je ferais ainsi et il m'entraîna vers son frère d'un pas lent et mesuré. Plus nous nous rapprochions du Roi, plus je pouvais sentir son regard froid et perçant me pénétrer entièrement. C'était un homme dont la fraternité avec Sébastien ne pouvait être renié tant il se ressemblait. Il paraissait néanmoins plus vieux, probablement à cause de sa barbe brune qui lui mangeait toute la partie inférieure du visage. Et si le visage de Sébastien m'avait sans conteste semblé radouci à mon arrivée ici, celui de son frère était encore plus grave et menaçant que je n'aurais pu l'imaginer.

Le Roi ne me lâcha pas des yeux jusqu'à ce que nous arrivions devant le trône. Je ne savais pas si j'étais censée m'incliner devant cet homme ou si j'étais supposée le détester pour ce qu'il avait fait à ma famille. Aussi, je restais statique, n'osant bouger, gênée d'être dévisagée de la sorte.

Il me sembla attendre une éternité avant qu'il ne parle enfin, d'une voix atrocement froide et calme, malgré la colère véhémente que je pouvais lire dans ses yeux glacés.

IslynnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant