Chapitre 20 Zora

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J'avais soigneusement évité tout contact avec le roi depuis cette soirée fatidique. Je m'étais réfugiée aussi vite que possible dans ma chambre et m'y étais enfermée jusqu'au lendemain. Ce fut Rosa qui me réveilla, avec toute la délicatesse d'une mère, me parlant doucement. J'émergeais lentement, les souvenirs de la veille me revenant petit à petit en tête. Je m'assis dans le lit, enfouissant mon visage entre mes mains, frottant mes yeux avec peine.

Rosa, qui s'activait dans ma chambre, remarqua sur le champ que quelque chose me tracassait. Elle n'eut pas besoin de me le demander deux fois pour que je ne lui déballe l'entièreté de la conversation que j'avais eu avec le roi la veille, sans oublier l'énorme faute qu'il me semblait avoir commise. Elle s'assit sur le bout de mon lit, me contemplant avec amabilité.

- Chasse ses mauvaises pensées de ta tête, mon enfant, me conseilla-t-elle. Aleister est incapable d'affection depuis la disparition de ta mère. La seule chose qui l'intéresse encore est le pouvoir que lui accorde le trône d'Islynn. Il ferait n'importe quoi pour le garder. Te marier et te lier à son frère est la meilleure chose qui puisse lui arriver. Il te dira n'importe quoi pour te convaincre que c'est la seule chose à faire, mais tu es seule maître de ton destin.

- En étant prisonnière ici, je ne crois pas avoir beaucoup de choix à ma disposition, soupirais-je en ramenant mes genoux sur ma poitrine.

Elle eut un sourire de compassion, et me rassura du mieux qu'elle le put. Je hochais la tête, plus par politesse que parce que j'étais convaincue par ses paroles. Je finis par me lever, d'humeur mauvaise, et enfiler la tenue noire que tous les Arsifs portaient, que Rosa m'avait apporté avec affection. Le tissu était étonnement doux, et sans surprise cette fois-ci, souple et confortable. Là encore, je ne me reconnus pas dans le miroir. Je finissais même par me demander à quel point ce monde me changeait.

Je n'avais pas eu besoin de poser la question pour savoir que, si je portais cette tenue, cela signifiait que l'on commencerait à me conditionner pour devenir l'Arsif de Sébastien. Celui-ci ne tarda d'ailleurs pas à faire son apparition, joyeux. Joie que j'interprétais immédiatement comme ayant un lien avec la conversation d'hier. J'étais bien décidée à ne pas lui adresser la parole de la journée, et de prendre le recul nécessaire pour savoir ce que je devais faire de tant d'information contradictoire que l'on me donnait sans arrêt.

Je ne tint néanmoins pas plus de dix minutes. Sébastien m'avait guidé jusque dans la cour, respectant le silence que je lui imposais sans que je ne sache pourquoi il le faisait. Je le compris rapidement lorsqu'il me présenta fièrement deux Cavalli, m'annonçant avec une excitation difficilement contenue que ma première leçon serait une leçon de vol.

Je jubilais intérieurement, et malgré les efforts que je déployais pour me méfier de lui, cédais à mon instinct. Nous passâmes toute la matinée à travailler les décollages, et si j'étais contente de savoir tenir seule sur un Cavalli, il n'en n'allait pas de même lorsque celui-ci déployait ses ails. Je tombais un nombre incalculable de fois, sous le regard amusé, quoique parfois inquiet, de Sébastien.

Il se donna beaucoup de mal pour m'expliquer au mieux ce que je faisais de travers, et me donner des conseils pour m'améliorer. Malgré tout cela, il nous fallut attendre la fin de la journée pour qu'il m'annonce enfin que j'étais suffisamment prête pour qu'il m'emmène en balade dans le ciel. Je sautais littéralement de joie, puis sur mon Cavalli, n'attendant pas mon Arsif pour m'élever dans les airs.

Si je restais précautionneuse au début, j'oubliais bien vite ma prudence et pris plus d'assurance et de vitesse. Sébastien me suivait de près et gardait un œil attentif sur mes faits et gestes, surement anxieux que je ne tombe une fois de plus. Mais je n'y fis pas attention et profitais, plus encore que la première fois, du sentiment de liberté et de puissance que me procurait le vol.

IslynnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant