J'avais passé une bonne partie de mon après-midi dans la petite chambre que j'avais l'habitude d'investir à chaque fois que je venais séjourner ici. J'adorais cette pièce, entre autres parce qu'elle possédait une fenêtre avec la meilleure vue de tout le chalet, à savoir la quasi-totalité du lac et ses alentours, mais aussi et surtout parce qu'elle était l'une des seules à posséder une bibliothèque.
Les livres avaient toujours été mon échappatoire quand je ne pouvais m'isoler à ma guise. Me plonger dans ces histoires, leurs mécanismes surprenants presque autant qu'ingénieux, me permettaient d'oublier ce qui m'entourait. Cela pouvait aller de ma situation actuelle, à savoir coincée avec une bande d'adolescents fêtards et insouciant, à chacune des récréations que j'avais enduré au cours de ma scolarité.
Ces mots, que certains ne prennent que pour des insanités ou élucubrations incompréhensibles, de la part d'auteur de génies, dont ces mêmes personnes ne respectaient pas même l'ombre de leurs talents, m'avaient fait voyager plus que de raison. Aux quatre coins du monde, des plus grandes villes qui ne s'arrêtent jamais de vivre aux contrés les plus reculés et inconnues de cette planète.
J'embarquais à travers les aventures les plus folles, aux côtés des personnages les plus téméraires et hauts en couleurs. J'apprenais de leurs erreurs, me nourrissais de leurs expériences. Je me laissais emporter corps et âme dans les meilleurs récits, comme dans les pires. Je variais sans cesse de style et de courant littéraire, explorant chacun d'eux avec intérêts.
Pour le moment, j'étais captivée par l'indescriptible œuvre du célèbre Albert Camus, L'étranger, que je relisais pour la quatrième fois au moins. Je redécouvrais avec joie l'objectivité de la narration et l'amer dureté de la vie de son personnage principale qui ne semble rien ressentir. Absolument rien, jusqu'à ce qu'au moins son absence de liberté ne lui fasse légèrement prendre conscience du prix de celle-ci.
- Je peux entrer ?
Une voix me sortit brutalement de mon livre, et je sursautais vivement. Admen se tenait à l'entrée de ma chambre, adossée à l'encadrement de ma porte. Il souriait, apparemment amusé de m'avoir surprise. Je posais mon livre un peu précipitamment, me levais de mon coussin, et lui fit face, les bras croisées sur ma poitrine.
- On ne t'as jamais appris qu'il fallait demander cela avant d'ouvrir la porte ? Rétorquais-je suffisamment sévèrement pour qu'il perde son petit sourire satisfait.
- Vraiment navré, s'excusa-t-il faussement mielleux. En réalité, j'ai frappé, mais tu ne m'as pas entendu. Alors...,
- Alors tu t'es donné la permission d'ouvrir la porte, achevais-je, sans lâcher des yeux mon interlocuteur.
Il eut un regard ennuyé, regarda derrière lui, hésita à faire quelques pas en arrière, et répéta finalement :
- Je peux entrer ?
Il me jeta un regard presque suppliant, retrouvant un sourire confiant. Je soupirais, puis détachant lentement mes bras l'un de l'autre pour l'inviter à me rejoindre, avant de retourner m'asseoir sur mon coussin, près de la fenêtre. Il s'avança, et resta debout au milieu de la pièce, se balançant sur ses deux pieds, successivement. Ce qui me rendait presque aussi nerveuse qu'il paraissait l'être. Comme il ne semblait pas déterminer à me dire ce qu'il venait faire dans ma chambre, trop occupée à scruter la pièce d'un air curieux, je l'y aidais un peu.
- Et donc ? Demandais-je d'un ton involontairement impatient. Qu'est-ce que tu viens faire là ?
Admen reconcentra son attention sur moi, et son expression ennuyée laissait à penser qu'il n'était plus vraiment sûr de ce qui l'avait amené.
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Islynn
FantasyLeslie et Zora sortent tout juste du lycée, fraîchement diplômées, prêtes à affronter leurs études. Mais il semblerait que le destin en ait décidé autrement. Les voici donc toutes deux projetées dans un monde dont elles ne savent rien, excepté qu'e...