chapitre 7 Leslie

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Je ne dormais, ni ne mangeait plus depuis deux jours. Dès que je fermais les yeux des images sanglantes dansaient dans ma tête. Mon estomac refusait d'ingurgiter quoi que ce soit, je vomissais tout ce que j'essayais d'avaler. Je n'avais plus gout à rien. Johanna venait à la maison tous les jours et restait vers moi, silencieuse. Sa simple présence me suffisait à supporter un peu mieux ma peine immense. Je la savais aussi traumatisée que moi, mais aucune de nous deux n'avait la force de traverser cela l'une sans l'autre.

La scène macabre à laquelle nous avions dû faire face était relayée sans arrêt dans les médias, les journaux, ou même à la télévision. Nous avions reçu des centaines de messages de soutien, mais aucun n'avait réussi à me changer le moral. Je n'avais même pas le cœur à répondre à ces messages. Pas plus qu'aux appels incessants de camarades de classes macabrement curieux.

La police se déplaçait souvent aussi, autant pour écouter nos tristes témoignages que pour nous offrir une protection. « Juste au cas où », avait dit le commissaire. Car, pour ne rien arranger, le rapport était sans appel. Manon, Élise, Clara et Léo avaient sauvagement été assassinés, de sang-froid. Ma sœur et Admen avaient disparu, sans laisser de traces. Pas plus que les meurtriers, qui restaient un mystère entier pour la police.

Une part de moi ne pouvait s'empêcher de les espérer en sécurité. Mais mon côté pragmatique et profondément défaitiste qui se développait en moi ces derniers temps, ne pouvait s'empêcher de les imaginer morts, ou pire, torturés et agonisants dans les bois, aux mains de ces monstrueux tortionnaires. Et cette idée m'était insupportable.

J'avais beaucoup pleuré, au début, jusqu'à ce que les larmes ne coulent plus, laissant place à un vide accru en moi. Je ne ressentais plus que de la colère et de la détresse. Une immense et profonde détresse, qui me rongeait de l'intérieur un peu plus à chaque jour.

Mes parents étaient détruits, dévastés. Même s'ils tentaient de faire bonne figure et de garder la tête haute pour me soutenir, je n'étais pas dupe. Perdre son enfant était la pire chose qu'il puisse arriver à des parents. C'était la première fois que je voyais mon père pleurer. Une autre image qui resterait probablement longtemps gravé dans ma mémoire. Il était en plein déclin. Sa barbe, d'ordinaire soigneusement taillé était à présent hirsute et en broussaille. Quan à ma mère, des cheveux blancs lui étaient soudainement apparus et des cernes violettes lui couvrait le bas des yeux. Ils avaient pris dix ans en moins de trois jours, et paraissaient vieux et fatigués.

Le plus dur était l'attente constante de nouvelles de ma sœur. Malgré toutes les forces déployées par la police local, elle demeurait introuvable. Pourtant j'avais cette petite boule d'espoir dans la poitrine, qui me faisait sursauter à chaque sonnerie de téléphones et chaque coups frappés à la porte.

J'en venais parfois à me dire que j'aurais préféré la savoir morte, que de devoir continuer à garder espoir et de sombrer un peu plus dans la déception, lentement et sans pouvoir m'en défaire. Cette pensée faisait partie des nombreuses choses qui me torturaient autant que le meurtre de mes amis et l'enlèvement de ma sœur. Elle me dégoutait de moi-même, une répugnance répulsive que je devais désormais supporter et accueillir parmi les autres émotions qui s'emparaient de mon être en ce moment.

Un trou béant s'était ouvert dans ma poitrine et s'étendait à mesure que le temps passait, et que je perdais gout à la vie. La douleur ne paraissait pas vouloir s'amenuiser, et restait horriblement présente, m'enserrant de toutes parts, jusqu'à men faire perdre mes repères. Et malgré l'assurance des gens qui ne cessaient de répéter que le temps arrangerait les choses, je n'étais pas sûre d'être assez forte pour survivre jusqu'à ce jour prédit, qui me paraissait inatteignable.

IslynnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant