30 juillet 2016 - Grégoire Dalmans

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Pour la troisième ou quatrième fois je regarde le rapport confidentiel que m'a envoyé une secrétaire médicale des Cliniques Universitaires Saint Luc après avoir demandé l'autorisation de le recevoir à l'inspecteur de la Sûreté de l'Etat.

Commotion, entorse à la cheville gauche et multiples coupures aux bras et au visage. Rien de grave. Mon frère a eu les bons gestes en se précipitant sur elle.

Éline avait quitté l'hôpital deux jours après son admission mais la remarque du médecin qui avait signé son autorisation de sortie m'interpelle : Très grande détresse psychologique. Doit impérativement être suivie.

Je me rappelle que les victimes qui ont été amenées au centre le jour de l'attentat étaient dans un sale état : membres arrachés, brûlures très graves, chairs carbonisées, éclats de métal dans le corps. Toutes présentaient des blessures typiques de soldats revenant de la guerre.

Et Éline a été confrontée à tout cela. En ne travaillant pas dans le milieu médical, je comprends qu'elle a dû être profondément choquée.

Encore une fois, Romain a fait ce qu'il fallait pour elle.

J'ai relu à plusieurs reprises leurs échanges et commeils ne font mention nulle part d'une quelconque rencontre, je viens à peine de réaliser qu'à l'exception du 22 mars, ils ne se sont plus jamais revus depuis.

Et pourtant, ils semblent être tombés amoureux l'un de l'autre. Éline l'a reconnu, difficilement, mais elle l'a reconnu lors de notre conversation.

Cela me fait peur. Sa détresse était immense quand j'ai été forcé de lui dire qu'à l'exception de la presse, elle n'aurait aucune information au sujet de Romain.

Et le comportement de mon frère m'intrigue vraiment : cette attitude surprotectrice qu'il a avec elle, jusqu'à cacher ses mails, est déroutante. Il n'a jamais agi avec une autre femme de la sorte.

Il est certain qu'ils se sont accrochés l'un à l'autre pour ne pas sombrer, pour se sortir ensemble de cette pénible épreuve mais ne sont-ils pas en train de confondre attachement et amour ?

Je connais Romain, il a une peur bleue de passer le cap de la trentaine et il redoute de vieillir. Et s'il avait peur d'être seul indéfiniment au point de se raccrocher à n'importe quelle personne ?

Et si Éline ressentait uniquement le besoin d'avoir une certaine sécurité dans sa vie à cause de ce qu'elle a vécu à Bruxelles ?

Perplexe, j'envoie un long mail à l'un de mes amis qui est psychothérapeute et sa réponse que je reçois deux heures plus tard ne me rassure pas au sujet d'Éline et de Romain.

Bonjour Grégoire,

Voici les réponses à tes questions :

Lorsque j'accompagne des couples ou des célibataires, je me rends compte que de très nombreuses personnes, s'attachent un peu trop rapidement. Et quand leur histoire d'amour ne se passe pas toujours comme elles le souhaitent, c'est la panique.

L'amour peut causer bien des dégâts même si c'est un merveilleux sentiment.

J'ai remarqué dans mon travail que beaucoup de personnes pensent ressentir de l'amour alors qu'en réalité il s'agit tout simplement d'attachement.

Dans la situation que tu me décris je ne pense pas qu'il est possible de parler d'amour. Les deux personnes dont tu me parle ont vécu un traumatisme profond et depuis, ils se soutiennent mutuellement.

Je constate par tes exemples que leur attachement l'un envers l'autre a été très rapide. Ce qui est en quelque sorte normal vu les circonstances.

Revivre...après l'enfer (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant