Chapitre 2
Partie 1
Des voitures avec de la boue sur les roues et des bosses sur la carrosserie étaient ce dont Elise avait l'habitude. Pas des brillantes BMW.
Des appartements, des petites maisons charmantes et confortables, des buildings lorsqu'elle allait en ville étaient ce à quoi elle était habituée. Pas une énorme maison.
Pourtant, c'était bien depuis le siège passager d'une BMW polie qu'Elise fixait une massive maison sortant tout droit d'un magazine.
Une maison qu'elle avait vue quelques années auparavant et qui avait brisé l'espoir germant au fond d'elle depuis ses sept ans. La même mais plus grande. La véranda dont le toit servait aussi de balcon devait être une construction plus récente puisqu'elle ne paraissait pas dans ses souvenirs.
D'ailleurs, Elise se sentait aussi mal qu'il y avait de ça quatre ans.
Contrairement au passé, elle n'était pas assise à l'arrière d'un taxi qu'elle avait payé avec toutes ses économies pour l'amener de la gare, située à 15 minutes, jusqu'ici, mais bien du côté passager. Et l'homme qu'elle était venue voir se trouvait, cette fois, du même côté de la vitre.
À l'époque, elle aurait tout donné pour que la situation soit inversée et aujourd'hui, il en allait de même.
Aujourd'hui, Elise aurait préféré le taxi et, comme à ses 13 ans, elle aurait fait demi-tour sans sortir de la voiture.
Elise allait vivre aux soins d'un homme qui l'avait quittée. Avec lui et la femme pour laquelle il l'avait abandonnée. Avec eux et les enfants avec lesquels il l'avait remplacée.
Dire qu'elle était loin d'être ravie aurait été l'euphémisme du siècle.
La situation dans laquelle elle allait se trouver dans pas moins de quelques minutes était la seule chose qui tournait en boucle dans ses pensées. Elle allait être la tache rouge sur la chemise blanche. Le vilain petit canard.
Son père la sortit de l'image cauchemardesque qu'elle dessinait avec plus de précision à chaque nouvelle seconde écoulée.
— Emma a probablement cuisiné de quoi nourrir une armée.
— Il y aura beaucoup de gens ?
— Non, juste nous et les enfants.
Elise n'était pas sûre si elle devait être soulagée à l'idée qu'il n'ait pas invité toutes ses connaissances, bien qu'elle ne voyait pas pourquoi il ferait une chose pareille, ou terrorisée à l'idée de devoir souper avec juste sa nouvelle famille.
— On n'était pas sûr de ce que tu aimais et elle s'est probablement laissée emporter. Elle se réjouit de te rencontrer.
Elle ne pouvait pas en dire autant.
Lorsqu'elle ne répondit pas, il se tourna vers elle. Elise prétendit ne pas voir son visage expectant.
Le silence régna pendant qu'il parquait et elle n'arrivait pas à déterminer s'il était inconfortable ou pas. De toute manière, elle était trop occupée à expirer doucement pour se calmer. Ses mains étaient moites et les essuyer sur ses jeans n'y changeait rien.
Son père vint ouvrir la portière et elle se retint de la tenir fermée. Elle avait besoin de se préparer mais elle savait également qu'elle pouvait essayer de gagner tout le temps du monde, elle ne serait jamais prête.
L'odeur qui émanait de la maison aurait été alléchante en d'autre circonstance. Les effluves de plats salés se faisaient transporter par l'air jusqu'à ses narines frémissantes. Mais Elise était incapable de différencier les saveurs. Peut-être un peu de curry ?
Refusant de montrer de la faiblesse, elle sortit d'un pas qui se voulait assuré et marcha à la suite de son père.
Malheureusement, son courage s'estompa à mesure qu'ils se rapprochèrent de la porte d'entrée et son pas ralentit pour devenir des petites enjambées de geisha couplées à une allure de condamné.
Une fois que son père atteignit la porte, il parut nerveux et prit une grande inspiration avant de poser la main sur la poignée et de regarder par-dessus son épaule vers Elise qui finit par le rattraper pour se trouver face au bouton de sonnette surmonté d'une petite plaquette où l'on pouvait lire «Barbet». Le nom de famille de son père.
— Tout va bien se passer. Ils sont heureux d'enfin pouvoir te rencontrer.
Le pensait-t-il vraiment ? À la manière dont il serrait la poignée, elle en doutait.
Depuis quand les enfants savaient-ils qu'elle existait ? La question vint torturer son cerveau, mais ce n'était pas le moment de demander et elle hocha simplement la tête puisqu'elle n'était pas sûre qui il souhaitait rassurer ; elle ou lui-même.
VOUS LISEZ
Pas assez
Teen FictionÀ la mort de sa mère, Elise se trouve dans l'obligation d'aller vivre chez un père absent de son enfance. Un père qui vient avec une famille dont certains membres sont réticents à la voir débarquer. En cherchant l'indépendance, Elise s'embarque...