Chapitre 30
Ils étaient assis à table, une théière fumante entre eux qu'Emma avait préparée avant de quitter la maison, emmenant ses enfants avec elle malgré leurs grognements de contestation. Il ne restait qu'eux, George et Elise, et tous deux se raclaient la gorge régulièrement pour finir pas soupirer, sans prendre la parole. George n'était pas sûr comment commencer. Elise non plus. Sans compter qu'elle voulait, pour ne pas changer, prendre ses jambes à son cou.
- Je suis désolé pour la gifle. Emma m'a dit que tu lui as présenté tes excuses pour tes paroles. Tu as bien fait. En ce qui concerne Noémie, Emma et moi lui avons parlé. Il n'y aura pas de deuxième fois.
- D'accord.
Son père souleva la théière en porcelaine et versa le liquide brunâtre dans deux petites tasses. Elise saisit celle qui lui était le plus proche et souffla sur le contenu encore bouillant, ce qui chassa le filet de vapeur pendant que George se versait un peu de lait et ajouta une cuillère de sucre dans son thé.
- J'ai aimé ta mère. On était jeune, les rêves pleins la tête. Des jeunes qui grandissaient encore et à qui il restait beaucoup de choses à apprendre.
Il mélangea sa boisson avec soin. Le tintement produit par sa cuillère contre la porcelaine fut le seul bruit dans la maison avant qu'il ne reprenne son récit.
- On était de caractère opposé. Elle aimait les choses simples et tranquilles tandis que je ne pouvais m'empêcher d'être le premier à sauter la tête la première sans penser aux conséquences. Des contraires qui se sont attirés avec force. Mais avec le temps, ces différences ont provoqué des conflits. Tu es arrivée comme une surprise. Une magnifique surprise. Crois-moi, on était très heureux. Mais on avait commencé à se disputer plus souvent. Plus longtemps. Notre entente n'était plus la même, jusqu'à ne plus être du tout.
Les souvenirs d'Elise étaient plus confus. Elle avait été qu'une enfant et aucune dispute ne lui venait en mémoire. Bien au contraire, ses souvenirs étaient chaleureux et elle pouvait encore entendre son propre rire et imaginer le sourire qui devait avoir étiré ses lèvres. S'en rappeler laissait toujours une saveur douce avec un arrière-goût amer pour ce qu'elle avait perdu.
- Je n'en ai pas de souvenir. On allait toujours au parc dimanche et jamais vous ne vous disputiez.
- On n'allait pas rendre notre enfant témoin de nos problèmes conjugaux. Tu étais encore tellement jeune.
- Mais pas trop jeune pour que tu partes. Donc tu es parti. Tu en avais marre.
- Non, ça ne s'est pas passé ainsi.
Le visage de George se plissa en une mine contrariée et son regard se perdit quelque part, alors que ses iris, inconsciemment, regardait les escaliers qui menait à l'étage avant de revenir pour croiser les siens.
- Ta mère et moi avions décidé de nous séparer quelque temps. De faire une pause et voir comment les choses se passeraient. Ta mère était aussi malheureuse que moi dans cette situation. On ne pouvait se voir sans finir par s'insulter.
- Tu es parti.
- Oui. J'ai déménagé pour quelques mois.
- Qui sont devenus des années.
George peinait à se justifier. Il n'avait peut-être pas pris toutes les bonnes décisions, mais rester n'aurait pas été une solution. Le besoin de blesser l'autre n'avait cessé d'escalader et il n'avait pas voulu voir leurs actions les déchirer, blessure après blessure. Rendre ce qui avait été une si belle histoire en quelque chose de laid. Parce que c'était le chemin qu'ils avaient emprunté. Une destruction de ce qu'ils avaient été, ce qu'ils étaient. Donc il était parti et ce n'était pas un de ses regrets.
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Pas assez
Teen FictionÀ la mort de sa mère, Elise se trouve dans l'obligation d'aller vivre chez un père absent de son enfance. Un père qui vient avec une famille dont certains membres sont réticents à la voir débarquer. En cherchant l'indépendance, Elise s'embarque...