Chapitre 28, partie 1

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Chapitre 28

Partie 1

D'humeur plus légère que d'habitude, Elise remercia toute l'équipe présente sur le set avec un sourire éblouissant et sincèrement chaleureux. La jeune femme s'apprêta à rejoindre la voiture garée un peu plus loin, dont la vitre était baissée et le coude d'Adrien reposait sur le bord métallique. D'ici, elle n'était pas sûre puisqu'il se trouvait à contre-jour et camouflé par le toit de l'auto, mais sa tête semblait reposer en arrière contre l'appui-tête.

Elle n'alla pas loin qu'une voix interrompit sa progression.

- Miss. Miss !

Une main sur son épaule lui fit comprendre que c'était à elle qu'on s'adressait et elle se tourna. Ce fut face à une main tendue et des sourcils broussailleux haussés sur des yeux bleus expectants qu'elle se trouva. C'était l'homme qui s'était occupée de ses cheveux.

Elise ne voyait pas ce qu'il voulait.

- Oui ?

- La perruque.

La perruque... Ah oui. Quelle idiote. Elle venait de filmer un commercial pour des produits capillaires et on lui avait fixé une perruque sur son crâne.

Ses mains empoignèrent les faux-cheveux et tirèrent, oubliant à quel point ils avaient été bien attachés. Un petit cri strident lui échappa et elle cessa ses brusqueries. Elle se résigna à mettre sa tête à l'envers pour tenter d'enlever les épingles et le filet.

Heureusement, des doigts supplémentaires vinrent à sa rescousse et à eux deux, elle et le coiffeur, ils l'ôtèrent plus rapidement.

- Merci.

Un hochement de tête plus tard, elle reprit sa route vers la voiture. À présent, Adrien avait la tête dehors et un sourire taquin aux lèvres. Si la scène qu'elle venait d'offrir n'était pas suffisamment embarrassante, son allure actuelle l'était. Sa chevelure, gardant la position dans laquelle elle avait été posée et collée toute la journée afin d'y fixer la perruque, était toujours dans cet état lamentable.

Elise, dont les joues prirent un joli teint rose, y passa rapidement les mains, cherchant à donner une apparence convenable à sa crinière. Adrien était déjà dehors pour lui ouvrir la portière et lorsqu'elle le croisa, il passa ses doigts dans ses longs cheveux et les ébouriffa affectueusement. Elise grimaça et prétendit un regard noir dans sa direction. En réalité, sa poitrine avait fait un bond, s'était subitement trémoussée de plaisir et laissa un sentiment doux se propager.

Une fois dans la voiture, l'expression d'Adrien se rembrunit un peu et il poussa plusieurs soupirs avant qu'Elise ne décide d'intervenir avec un petit sourire au coin.

- Qu'est-ce qu'il a ? Es-tu supposé me convaincre de poser en lingerie ?

Après tout, la dernière fois qu'il avait été de cette humeur dans la voiture, c'était bien pour cette raison.

- Non.

- Alors pourquoi cette tête ?

Un nouveau soupir emplit l'habitacle.

- Tu avais raison. Et je ne comprends pas.

- À propos de ?

- Caro, l'industrie. Tout.

Il arborait une mine contrite mais ce fut sans hésitation qu'il avoua :

- J'ai été lui parler. Elle n'était même pas surprise. Juste... frustrée avec moi. Que je ne comprenne pas. Apparemment, les agences répondent aux demandes des créateurs et des stylistes.

Elise savait. Évidemment... Elle avait écouté aux portes.

- Du coup j'ai été voir un styliste. Il était vraiment sympa.

Ça, elle ne savait pas et son corps se tourna vers lui imperceptiblement pour lui donner toute son attention.

- Il a dit que les pièces étaient fabriquées avant car il n'y avait pas de temps pour les faire sur-mesure à toutes les femmes. Du coup, elles devaient être plus au moins uniformes afin que le vêtement puisse bien tomber. D'une certaine manière, ça a du sens.

Elise hocha la tête puisque, effectivement, ça avait tout son sens.

- Je lui ai alors demandé pourquoi ne pas confectionner les vêtements deux tailles plus grands, ou au moins une. Pour des personnes de 1m80, passer d'un 32 à un 34 ne change pas grand-chose. C'est pas comme si elles peuvent le mettre à beaucoup d'endroits différents. Elles font 1,80 pas 1,10. D'un coup, le styliste n'était plus aussi chaleureux et a affirmé qu'il ne faisait que répondre aux critères de mode demandés par le créateur qui l'engage.

Elise ne dit rien et Adrien lui jeta un rapide coup d'œil avant de se reconcentrer sur la route.

- Donc j'ai été voir un créateur. Il n'était pas le moins du monde gêné. Il a dit qu'il était un opportuniste répondant aux critères de mode actuels et surtout aux désirs des consommateurs, tout en s'adaptant à ce que les agences offraient. Apparemment, elles ne proposent presque que des mannequins très minces.

Elise le regardait intensément et buvait ses mots sans manquer une goutte. Ces mots étaient des mots qu'elle avait inconsciemment toujours voulu entendre. L'industrie clochait et leurs demandes n'étaient pas normales ou réalisables de manière saine. Ce n'était pas elle qui avait tous les défauts, qui n'était jamais assez comme il fallait.

Entendre Adrien le lui dire, même s'il n'en avait pas conscience, était délivrant. Un baume apaisant sur une plaie.

- Tu avais raison. Ils sont tous au courant. Et ils ne font rien. Ils se jettent juste la faute comme on se jette une balle.

À nouveau, elle hocha la tête. En le faisant assister au défilé, il avait vu plus que ce qu'elle lui avait montré. Plus qu'elle-même n'avait vu et il avait compris.

Le silence qui suivit son affirmation était agréable. Jusqu'à ce qu'il se mette à taper des doigts nerveusement sur le volant. Puis, à soupirer.

- Quoi ?

- Pourquoi les mannequins ne disent rien ? Pourquoi se laissent-elles faire ?

Il ne lui avait peut-être pas adressé la question en faisant d'elle le principal sujet, mais son agitation le trahissait. Elle en était bien la cible. Pourquoi ne faisait-elle rien ?

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N.Cybelle

Pas assezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant