Chapitre 2, partie 2

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Chapitre 2

Partie 2

L'entrée était suffisamment spacieuse pour que deux personnes puissent aisément se déplacer sans se toucher. Les murs étaient blancs et un grand miroir recouvrait une majeure partie du mur à sa droite.

À ses pieds reposaient trois paires de chaussures positionnées parallèlement sur un plateau plastifié.

Deux étaient de taille identique avec des petits talons et la troisième paire était des baskets bleues marines et plus petites.

Comme elle avait déjà pu le constater des années auparavant ; deux femmes et un garçon. La mère et ses deux enfants.

Son père retira ses chaussures et les plaça à la suite. Parallèlement.

Il faudrait prendre une photo. Immortaliser l'image, bien qu'elle devait être identique tous les jours de l'année. Le titre serait : La Famille.

Ou encore mieux : Le Foyer.

Elise retira ses chaussures mais se trouva incapable de les poser. Le plateau n'avait que quatre places. Elle décida de les positionner à côté de la porte. Perpendiculairement.

Puis, elle suivit son géniteur qui ouvrit une seconde porte. Cette fois, l'odeur fut plus forte et assaillit son visage.

— Chérie, on est là.

Après cette annonce clichée, son père lui prit gentiment le coude pour l'attirer dans la nouvelle pièce. Ou peut-être était-ce pour éviter qu'elle ne parte en courant.

Le salon était grand et toute la paroi sud illuminait la pièce à l'aide de grandes fenêtres laissant feutrer le soleil qui venait, à présent, donner de la chaleur à sa peau froide.

Comme si ce n'était pas suffisant, elle pouvait percevoir la nouvelle véranda au bout du salon à sa droite. Prenant le temps de bien surveiller l'espace qui l'entourait, elle traîna les pieds.

Les murs étaient blancs ornés de tableau de peintres qu'elle ne connaissait pas. Le canapé était d'un beige si clair qu'elle était persuadée que si son fessier s'y posait, il laisserait derrière lui la couleur bleutée de son jeans.

Dix personnes pouvaient s'y aligner sans se toucher et peut-être même vingt, si jouer des coudes ne dérangeait pas. En cas de problème, un grand fauteuil deux places était également à disposition. Un manque de place était sûrement le dernier de leurs soucis.

Son géniteur l'entraîna plus loin dans la pièce. Un bout de mur, avec en son centre quelque chose qui ressemblait à une cheminée artificielle, formait une séparation avec la deuxième partie de la pièce qui contenait une énorme table.

Là encore, dix personnes pouvaient facilement s'asseoir et quinze si on faisait l'effort de se serrer.

Brusquement et avec beaucoup de force, la porte du fond de la pièce s'ouvrit et une femme en sortit précipitamment avant de s'arrêter net, les yeux agrandis. Puis, la femme se reprit et un sourire vint plisser son visage.

Elise la scruta minutieusement, mais ne trouva aucune trace de haine ou de méfiance. Même pas une once de sentiments conflictuels. Hésitante mais accueillante.

— Tu dois être Elise. Tu ressembles tellement à George c'est incroyable.

Un fait dont elle n'avait jamais été fière. Elise savait pertinemment que ses atouts physiques venaient des gènes hérités de son paternel. Sa grande taille, sa peau légèrement dorée, ses cheveux bruns et ses yeux bleus étaient presque en totale opposition face à l'apparence de sa mère dont elle avait hérité les traits plus général du visage.

Raison pour laquelle elle teignait ses cheveux en un caramel châtain.

Elle ne pouvait imaginer à quel point ça avait dû être difficile pour sa Maman. Pas étonnant qu'elle l'évitait parfois. Elise ne pensait pas que ça avait été intentionnel de la part de sa Maman. Une fixation prolongée sur elle avec le regard lointain ne l'était pas non plus. Son visage finissait toujours attristé.

Elise continua à scruter la femme, alors que celle-ci semblait hésiter sur la façon de la saluer. Pour lui éviter les ennuis et à elle l'embrassade qu'elle lisait sur son visage, elle tendit sa main entre elles, tel un pont ou une barrière, et continua à la regarder.

Qu'avait-t-elle de si fantastique ? Elle était plus rayonnante que sa Maman, ça c'était sûre, mais elle était convaincue que sa Maman l'avait aussi été.

Ne l'ayant jamais vue de près, Elise l'avait imaginée très jeune avec un physique de Barbie.

Pourtant, elle ne l'était pas. Les rides aux coins de ses yeux montraient une femme dans la fin de sa quarantaine, de taille moyenne avec des cheveux lisses, bruns et coupés juste au-dessus des épaules.

Préférait-il les brunes ? Peut-être devrait-elle se teindre les cheveux en blond.

Pour la énième fois, ses yeux firent un rapide tour de ce qui l'entourait. Ou peut-être était-ce l'argent qui l'avait attiré.

- Je suis Emma. Je ne savais pas ce que tu aimais, j'ai donc cuisiné beaucoup de choses. Tu aimes le veau ? Les crevettes avec du curry ? J'ai aussi fait une deuxième sauce. Bien sûr il y a des légumes et du riz.

On dirait que son mari avait raison. Si elle avait fait tous ces plats, il y en aurait beaucoup trop.

— Je ne suis pas compliquée.

Ce n'était pas vraiment vrai, mais elle ne voulait pas chipoter et passer pour une fille capricieuse. L'expression soulagée qui accueillit sa réponse l'en aurait empêchée de toute manière.

— Je vais appeler les enfants. Installez-vous déjà à table.

Alors qu'elle les appelait, Elise entra dans la cuisine pour mettre la protection d'un mur entre les futurs arrivants et elle.

Apparemment, la cuisine faisait également office de salle à manger. Une table, plus petite qu'à l'extérieur, était présente et garnie.

— On mange souvent ici lorsqu'il n'y a que nous. Expliqua son père.

Le bruit d'inconnus descendant les escaliers fit monter une bouffée de nervosité.

— Soyez gentil.

Le chuchotement d'Emma ne fut pas aussi inaudible qu'elle croyait et, peu de temps après, un jeune garçon entra comme une bourrasque suivit d'une fille au pas bien plus nonchalant qui salua le géniteur d'un baiser sur la joue et d'un «papa» au ton adorateur. Emma fut la dernière à revenir.

Tous les yeux vinrent se poser sur Elise.

Pas assezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant