Chapitre 19
Partie 2
- Oui, la fille qui s'est évanouie. C'est bien ce que tu voulais que je voie non ?
Adrien était frustré. Autant par l'épisode que de sa propre ignorance. À ça s'ajoutait la soudaine euphorie d'Elise qu'il ne comprenait pas. Pas après ce dont il avait été témoin.
- Des filles se sont littéralement évanouies ! Bam. Et les autres paraissaient prêtes à suivre l'exemple. Et quoi ?! On leur donne un morceau de blanc de poulet de la taille de mon pouce ou une pomme!
La bulle d'extase dans laquelle flottait Elise fut trouée par la piqûre de la réalité et l'hélium s'échappa. Il s'échappa jusqu'à ce qu'Elise retombe sur la terre dure et ferme.
Elle ne répondit pas mais un sentiment dérangeant vint l'abriter. Elise était sur la défensive. Sans compter qu'il exagérait. Le morceau de poulet avait été plus grand que son pouce. Pourtant, aussi crispée qu'elle était, une sorte culpabilité tiraillait son nombril. Quelque chose de désagréable, de fautif.
- C'est pour ça que tu dis que je suis différent ? Parce que je te donne une branche de chocolat à la place d'un bout de pomme alors même que tu n'es pas sur le point de t'effondrer ?
- Pas que ça. Tu sembles te soucier de moi.
Elise peinait à trouver les bons mots et au froncement de sourcils qu'il arborait elle ajouta prestement.
- En tant que personne.
- Bien sûr. Je suis ton agent et d'une certaine manière tu es sous ma responsabilité. Tu n'es même pas majeure. C'est pas ce que je suis censé faire ? Veiller sur toi ?
Inévitablement, une déception minuscule mais lourde vint se blottir sous ses côtes et s'ajouta à la sensation désagréable. Leur poids combiné affaissa le haut de son dos.
- Je ne crois pas. Je ne suis même pas sûre qu'on nous considère comme des personnes. Comme des mannequins ? Oui. En revanche, ils semblent croire que ce mot ne s'associe pas avec une personne en chair. Comme si on était d'une autre espèce ou d'un autre genre.
- Je comprends rien à ce que tu dis.
Elise avait du mal à exprimer ses impressions mais tenta, frustrée avec elle-même, une seconde fois.
- Ils ne nous voient pas nous, mais ce qu'on rapporte. À quel point en s'approche de ce que les créateurs recherchent. Moi ou une autre, ils s'en balancent. Ils n'ont que deux principaux critères ; être une taille 32 pour plus d'un mètre 75. Comment une femme peut-elle perdre le surplus ou si elle est mannequin depuis très longtemps, comment garde-t-elle les même mensurations qu'à ses 14 ans? Lorsqu'elle était plus petite, avec l'ossature et les formes d'une enfant, tandis que son corps se développe avec chaque année qui passe ?
Dans un premier temps, Adrien resta silencieux. Puis il lui demanda.
- Pourquoi t'as rien dit ?
Elise s'enfonça dans son siège et se contenta d'un silence, déçue. N'avait-il pas compris ? Adrien insista.
- À Caro par exemple. Elle aurait fait quelque chose.
Elise serra les dents, hésita. Puis, d'un soupire, le contredit.
- Non. Tu as tort. Elle n'aurait rien fait. Elle ne fait rien.
- Écoute, je ne sais pas pour les autres mais je connais Caro. Elle ne laisserait pas des filles qui paraissent souffrir d'une famine sans aide ou soutien.
Son affirmation avait été dite avec tant de conviction qu'Elise hésita d'avantage. Elle devrait juste laisser tomber. À quoi bon persister? Pourtant, un gout amer vint chatouiller ses amygdales. Elle n'aimait pas cette femme et l'entendre la mettre sur un piédestal avec tant d'assurance la fit grincer d'amertume.
- Tu te souviens du shooting avec le photographe sur le bord de la rive ? Celui avec lequel tu t'es disputé ?
- Le salop ?
Elle hocha la tête.
- Il a appelé l'agence pour se plaindre de mon comportement. Le lendemain matin, Caro m'a appelée pour me demander pour qui je me prenais. Que je devais être heureuse de pouvoir travailler avec ce photographe et de juste faire ce qu'on me disait.
La mâchoire d'Adrien se crispa visiblement et les muscles de son visage saillirent.
- Il y a sûrement eu un malentendu. Elle a seulement entendu une version des faits et vu son tempérament, il a probablement raconté des bobards. Je lui en parlerai.
Elise se redressa d'un coup.
- Non ! Je ne t'en ai pas parlé pour que tu dises quelque chose.
Il ne répondit rien et elle insista.
- Ne lui en parle pas. Adrien, s'il te plaît ne le fais pas. Je suis sérieuse. Si tu veux lui dire ce que t'as vu aujourd'hui, tu peux. Mais ne dis pas que je me suis plainte et ne mentionne pas la situation avec le photographe.
Cette fois, il hocha la tête sans conviction et, pour changer de sujet, lui demanda:
- Tu rentres chez ton père ? Je te ramène là- bas après être passé au bureau de l'agence.
Elise fronça les sourcils.
- Pourquoi passer par l'agence ?
- Je te rappelle que tu as laissé certaines de tes affaires là-bas et qu'en même temps je pourrais laisser une copie des documents d'aujourd'hui. La confirmation que le défilé s'est bien déroulé.
Elise acquiesça à contrecœur. De toute manière il était tard. Il ne devrait plus y avoir personne.
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Pas assez
Teen FictionÀ la mort de sa mère, Elise se trouve dans l'obligation d'aller vivre chez un père absent de son enfance. Un père qui vient avec une famille dont certains membres sont réticents à la voir débarquer. En cherchant l'indépendance, Elise s'embarque...