Chapitre 9

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Chapitre 9

— Toi, va un peu sur ta droite et penche la tête vers le haut.

Elise pouvait sentir la jeune fille bouger mais le changement ne fit qu'empirer la masse de cheveux noirs volant dans son visage.

À l'expiration, elle essaya, discrètement, de souffler de toutes ses forces par ses narines et au travers de ses dents dans l'espoir de les balayer. Sans succès. Les fils tentaculaires, légèrement laqués, revenaient à la charge pour piquer ses yeux et se faufiler par ses lèvres mi-closes dans l'espoir de prendre possession de sa cavité buccale.

Tout ceci déclencha des spasmes oculaires, car ses paupières, par des mouvements incontrôlés, cherchaient désespérément à repousser l'attaque. Sa bouche, elle, était plus raisonnable avec ses réflexes moins prononcés, sans pour autant accepter l'envahisseur qu'elle cherchait à déloger à coup de langue.

Le résultat?

Un goût désagréablement chimique sur ses papilles gustatives mais une conséquence qu'elle pouvait camoufler au contraire de sa figure.

Son visage, qu'elle tentait vainement de garder dans une expression sensuelle avec ses lèvres légèrement entrouvertes et son regard joueur, était une parodie de mauvais goût avec toutes ces pulsions et ces spasmes.

Attirante était bien le dernier adjectif la décrivant en ce moment.

Elle devait avoir l'air d'un poisson aux prises d'un poulpe.

— Non pas comme ça! Garde la même inclinaison, juste lève le menton. Essaie de ramener tes cheveux en te passant la main sur la nuque lentement. Ils gênent ta voisine. On la dirait sur le point d'éternuer. Ou de s'étouffer.

Oui! Enfin, elle allait pouvoir respirer.

Les cheveux libérèrent son visage et elle inspira goulument en relaxant ses traits pour mettre un terme aux reflex facials qui s'étaient emparés d'elle.

Elise eut juste le temps de retrouver l'expression désirée, que le bout d'un foulard bleu vint s'aplatir contre son visage. Elle n'était même pas sûre s'il s'agissait de celui pendu à son cou ou à celui de sa camarade, puisque toutes deux étaient ornées d'un tissu de la même couleur au niveau de leur gorge. Peu importe. L'effet était le même. Elise ne voyait plus rien.

— Bon sang!

Bien qu'elle ne le voyait plus,  pas besoin de posséder des pouvoirs divinatoires pour entendre l'agacement du photographe.

D'un mouvement souple et naturel, elle chassa le foulard. Malheureusement, le vent semblait d'humeur joueur, peu importe la volonté des autres à participer, et changea de direction.

D'un geste uni, ses cheveux comme ceux de l'autre modèle passèrent pardessus leur tête et allèrent danser avec le vent. Dans leur visage.

D'un geste sec et plein d'impatience, sa camarade du jour tenta de les remettre en place mais ces gesticulations ne servirent à rien si ce n'était de lui donner un air ridicule.

Elise fit plus attention à ces mouvements, car elle ne voulait pas abîmer son maquillage. Pourtant, chacun de ses gestes, même méticuleux, provoquaient des dégâts. Certains cheveux collés au fond de teint, l'éparpillèrent de manière disgracieuse en étant retirés vers l'arrière et créèrent des sillons sur sa peau qui aurait dû paraître soyeuse, unie et imberbe d'imperfection.

Le photographe abandonna.

— Faisons une pause. Je vais voir ce qu'on peut garder de la dernière heure et changer les installations.

Pas assezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant