Chapitre 2, partie 3

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Chapitre 2

Partie 3

—  Alors paraît que t'es notre sœur.

Le garçon parla le premier. La curiosité et la trépidation qu'il ressentait étaient évidentes au ton de sa voix.

— Par alliance.

Le mot fut grogné par la fille et un avertissement clair que tout le monde n'était pas aussi enthousiasmé par sa présence.

Elise eut envie de lui dire que le terme demi-sœur était peut-être plus correct. Quoique, l'idéal serait de biffer le mot sœur du dictionnaire. Mais ce qu'Elise voulait vraiment lui faire remarquer était son hypocrisie, puisque l'instant d'avant elle n'avait pas référé l'homme de la pièce comme beau-père.

Elle se retint, car elle s'était interrogée à maintes reprises sur ce qu'on lui avait donné comme vérité. Avait-t-il vraiment pu abandonner sa propre fille pour une qui ne l'était pas ?

Elise n'était pas sûre de la réponse qu'elle préférait. Les deux aboutissaient à la même fin.

Devançant toute réplique, son père empoigna les deux jeunes pour les tirer à ses côtés ; chaque bras entourant un enfant.

Leur taille et la familiarité du geste permettaient un parfait emboitement. Elise n'aimait pas l'admettre mais tous les trois formaient une charmante photo d'une parfaite famille.

— Elise voici mes enfants Frank et Noémie.

Il arborait le sourire d'un père tellement fier que même ses gencives devinrent visibles.

Son cœur se serra. Peu importe qu'elle soit sa fille biologique. Peu importe laquelle était biologique ou pas. La fille qu'il avait sous le bras était son enfant.

Elise leur donna un grand sourire n'ayant pas de mots à leur donner. Enchantée serait mentir. Ses joues lui faisaient mal. Mais pas autant que sa poitrine.

Emma les dépêcha à table et présenta les différents plats d'une voix de présentatrice publicitaire; celle qui cherche à convaincre au point où le résultat en est presque dissuasif.

Elise regardait en même temps qu'elle écoutait Emma exposer le Riz et tous les différents accompagnements imaginables. Et bien sûr des pâtes, au cas où elle n'aimait pas le riz.

Quand Elise était convaincue qu'Emma avait terminé sa présentation, d'une manière inattendue, l'assurance de la femme fit place à un mélimélo confus.

— J'ai fait le poulet avec les champignons mais j'ai réalisé que tout le monde n'apprécie pas les champignons donc j'ai fait du curry pour accompagner le poulet si tu préfères. Si tu n'aimes pas le poulet j'ai aussi fait des crevettes avec sauce satay et pour finir des pâtes si tu n'aimes pas le riz.

— On a compris maman, tu viens de le dire.

— Ouais Maman, vraiment pas la peine de faire tout ça. Elle ne peut pas être si compliquée.

Les deux enfants affichaient la même expression exaspérée mais pour différentes raisons.

Se sentant obligée de répondre, Elise le fit en regardant tous les plats et ne put s'empêcher de penser que ça allait ruiner tous ses efforts des dernières semaines.

— Il ne fallait pas vous donner tant de mal.

Elise ne savait pas quoi en retenir. Elle aurait préféré une belle-mère stéréotype. Celle aussi détestable que la belle-mère de cendrillon. Pourtant, Emma semblait vouloir qu'elle l'apprécie et Elise n'était pas sûre d'aimer ça.

Emma balaya la politesse d'un geste de la main.

— C'est plutôt un service en réalité. Je n'aurais pas besoin de cuisiner pour le reste de la semaine et vous aurez qu'à vous servir des restes.

Au grand soulagement du plus jeune qui le fit comprendre d'une grande exclamation incompréhensible, ils commencèrent à manger dans une ambiance tendue. Son géniteur était assis à sa gauche, en face de lui se trouvait sa femme et entre eux, au bout de la table se trouvait Frank.

Elise avait le plaisir d'avoir Noémie en face d'elle. Autant dire que son assiette était très intéressante.

Au bout de cinq minutes, Frank brisa le silence. Elise pouvait palper le soulagement des adultes.

— T'aimes le foot ?

Comprenant qu'il s'était adressé à elle, Elise interrompit sa mastication.

— J'ai jamais joué.

Ses yeux d'enfant s'élargirent d'horreur.

— Jamais ?

Elle secoua la tête.

— Et à l'école ? À la gym on joue toujours au foot.

Elise aurait préféré ne pas discuter d'elle, mais peut-être devrait-elle être heureuse de la conversation facile.

— C'était la course ou le volley. Et pour être honnête, je ne suis pas douée avec les jeux où il y a des balles.

— Pourquoi ?

— Ma coordination n'est pas super.

— C'est quoi ?

Les yeux interrogateurs d'Elise se levèrent de son assiette et Frank précisa.

— Ce que tu as dit avant. Cord-tion

— Coordination. Mécanisme qui fait que tu bouges tes membres harmonieusement ?

Elise n'était pas un dictionnaire vivant mais ça paraissait plutôt juste.

— Pourquoi t'arrives pas.

Pourquoi posait-t-il ce genre de question ?

— Je ne sais pas.

Elle n'allait pas lui tenir des discours médicaux et n'avait pas de meilleure réponse à offrir.  

Étonnamment, elle courait passablement vite. En revanche, donnez-lui une autre tâche telle qu'un ballon et elle s'encoublait sur ses propres pieds.

— Au moins on sait qu'il ne vaut mieux pas que tu sois dans l'équipe si on veut gagner.

Ce que Noémie disait n'était pas faux, cependant son ton ainsi que son sourire étaient moqueurs. Personne ne parut le remarquer.

— Je pourrais t'apprendre ? Maman, on peut aller jouer dehors après ?

— Une autre fois poussin, je suis sûre qu'Elise voudrait s'installer d'abord. D'ailleurs, tu as fait tes devoirs de math ? Je ne veux pas voir un nouvel oubli dans ton agenda.

Les yeux du garçon se mirent à bouger frénétiquement, se fixant qu'une fraction de seconde avant de se déplacer à nouveau.

— Oui.

— Frank ne mens pas!

— J'mens pas.

L'attention d'Elise fut attirée à sa droite où son père retenait un sourire bien qu'il prit la parole d'un faux ton sévère.

— Tu n'as donc aucun problème si je viens corriger.

Les jambes du garçon se mirent à battre l'air nerveusement.

— J'ai p't-être pas entièrement terminé. J'ai pas tout compris.

Son père adoucit sa voix et les traits de son visage se détendirent jusqu'à n'être que tendresse.

— Ce n'est pas grave. Je peux t'expliquer. La prochaine fois, viens me demander.

Aucune bouchée supplémentaire n'allait passer la gorge d'Elise. Elle voulait rentrer.


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Voilà la troisième partie du chapitre deux. Je vous souhaite un bon week-end.


Pas assezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant