Chapitre 15

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Chapitre 15

Cette nuit-là, son sommeil fut complet, régénérant et aussi profond qu'il ne l'avait plus été depuis longtemps.

Néanmoins, son réveil se fit d'un bond lorsque son portable, posé sur la table de chevet, chantonna le Hit de l'été passé qu'elle vint à détester pour la simple raison qu'il signifiait le lever. Cela arrivait fréquemment, lorsque vous essayez de trouver un moyen de vous extirper de votre lit de bonne humeur et avec facilité. Malheureusement, l'objectif atteignit son but uniquement pour un nombre limité de fois, à peine suffisant pour tenir sur les doigts d'une main.

Le numéro lui était inconnu et elle se racla la gorge pour y déloger le chat.

- Oui allo ? Ici-

Elle fut coupée avant de pouvoir prononcer son nom.

- Tu te prends pour qui ?

Bien qu'elle ait reconnut le timbre de voix appartenant à Caro immédiatement, elle eut du mal à comprendre ce qui se passait et de quoi elle parlait. Un frottement de ses paumes vint chasser la fatigue qui languissait encore dans ses paupières lourdes. C'était-elle trompée de numéro ?

- Hum euh....

- Le photographe d'hier a appelé. Comment oses-tu te comporter de cette manière ?

- Il faisait froid et il avait besoin de-

- Écoute, tu es juste un mannequin. Tu fais ce que le photographe te demande. Si tu ne veux pas travailler très bien, on trouvera quelqu'un d'autre.

Pendant une fraction de seconde elle se dit que, peut-être, ce ne serait pas plus mal. Un moment, elle se dit qu'elle allait lui dire exactement ça. Durant un instant.

Puis, elle se rappela qu'elle n'avait rien d'autre. Qu'elle ne pouvait pas simplement abandonner, tout lâcher. Elle avait besoin de ce revenu et ce métier n'était-il pas le rêve de tant d'autres ? Elle était privilégiée. C'est pourquoi elle répondit d'une petite voix aux menaces de Caro.

- Non, ça n'arrivera plus.

- J'espère bien !

Cette fois, se fut Caro qui raccrocha sans attendre.



Elise défilait les allées pour atteindre le coin des légumes et des fruits. Dans sa main se trouvait une liste remplie de gribouillis de produits dont les trois-quarts se trouvaient être de ceux qu'il fallait manger à une quantité de 5 portions par jour d'après Le Programme national nutrition santé France et Canada. Le reste était du soja sous différentes formes ; tofu, sauce et autres aliments qu'elle n'avait encore jamais goûtés.

Son cadi se remplissait avec une vitesse certaine et elle fut fort généreuse sur le brocoli. Lisant les derniers ingrédients de la liste, elle tomba sur du lait d'amande et elle soupira bruyamment. Ça lui apprendra à se déclarer vegan.

Ce produit prit du temps à être repéré dans toutes ces allées et ces étagères qui garnissaient le magasin d'alimentation.

Finalement, elle le trouva sur une étagère semi-haute vers le fond. L'emballage, un carton rectangulaire orné d'un bouchon en plastique sur le haut, était coloré plus vivement que les habituelles briques ou bouteilles de lait et, alors qu'elle en empoigna quatre d'un coup, un timbre agréablement familier vint l'immobiliser dans ses efforts.

Son regard survola frénétiquement tout ce qui l'entourait. Puis, elle s'arrêta net sur des cheveux bruns. Son regard passa lentement sur le reste de la silhouette ; des épaules sculptées rendues visibles grâce à un polo, jusqu'aux chaussures beiges. Et oui, elle prit le temps d'admirer ses fesses. Une indéniable ressemblance était présente.

Un rire clair et gracieux vint briser son appréciation. Elle réalisa, avec un temps de retard, qu'il n'était pas seul. Debout à ses côtés, une femme riait, lui donnant une accolade joyeuse. Elise ne la voyait que de dos, portant des cheveux en coupe carrée et un chemisier beige orné d'oiseaux restreint dans une paire de jeans qui moulait joliment le bas de son corps. Était-ce Caro ?

Un mouvement, à la gauche de la femme, reporta son attention de manière brusque sur l'homme qui l'accompagnait.

Celui-ci, s'apprêtant à répondre aux paroles de son amie, se tourna et fit soudainement face à l'étagère contenant le lait d'amande où se trouvait une Elise paniquée. Alarmée et d'un geste instinctif, elle agit rapidement. Trop rapidement.

Les quatre cartons de lait qu'elle avait enlacés grâce à ses bras entrèrent en collision avec ses genoux lorsqu'elle s'accroupit pour se dissimuler. Les briques tombèrent en avant et s'éparpillèrent sans bruit. Elle, en revanche, perdit l'équilibre sur le côté et entra en contact avec l'étagère qui se balança dangereusement. En avant, en arrière. En avant, en arrière.

Sans réfléchir, Elise laissa tout en plan pour se mettre à quatre pattes. Aussi vite que lui permettait son agilité, elle rampa maladroitement jusqu'à ce que l'étagère laisse place à une autre, assez grande pour qu'elle puisse se lever. Puis, elle courut à une autre allée. Et encore une autre, jusqu'à ce qu'elle file à vive allure par la sortie, les mains vides.


Essoufflée, Elise s'arrêta non loin de là, dans un mini parc d'à peine cinq mètres carrés, une main sur le banc qui retenait la moitié de son poids et l'autre sur sa poitrine qui s'agitait pour inspirer le maximum d'air. Elle n'était plus très sportive.

Pendant qu'elle reprenait contenance, sa cheville fut tirée par une force invisible et lorsque celle-ci se mit à grogner vicieusement, Elise baissa les yeux, alarmée.

À ses pieds, le bas de son pantalon entre les dents, un petit chien tirait de toutes ses forces sans résultat. Levant la tête, elle réalisa qu'elle était dans un parc pour chien. À sa droite, assise sur le banc, se tenait une jeune fille avec des yeux exorbités qui la regardait, elle, puis derrière elle comme si elle attendait que quelqu'un surgisse.

C'était sûrement l'impression qu'elle avait donnée en courant pareillement comme si elle cherchait à fuir un poursuivant. Et le chien, bien qu'inutile, prenait son rôle de défenseur très au sérieux, cherchant à terrifier la personne qui avait perturbé sa maîtresse.

- Désolée, j'ai juste eu un besoin de courir...

Elise fut aussi peu convaincue que son interlocutrice, mais elle s'effondra tout de même sur le banc et baissa la main pour laisser le chien la renifler. Quelques secondes plus tard, il devint doux comme un agneau, sautillant avec enthousiasme à la recherche de câlins.

Elise avait encore ses pensées ailleurs, pendant qu'elle lui octroyait des caresses. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle s'était échappée telle une évadée d'Asile. Elle avait juste vu Adrien. Adrien avec quelqu'un d'autre, hors du travail, sans ses habituelles chemises, dans son quotidien à lui.

L'ayant pourtant toujours su, c'était la première fois qu'elle prit pleinement conscience qu'il avait une vie en dehors des moments qu'il passait en sa présence.

C'était pourtant évident, mais Elise n'y avait pas réfléchi. Les seules choses qu'elle connaissait de lui étaient qu'il avait une sœur, détail qu'elle n'avait pas appris de sa bouche, et qu'il était son agent. Autrement dit, aucune de ses informations ne venaient de lui mais par un enchainement hasardeux de circonstance.

Elise ne savait rien de lui.


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