Chapitre 14

350 34 5
                                    


Chapitre 14

Elle détestait définitivement ce shoot.

- Ne parais pas si frigide! Relaxe.

Facile à dire pour lui. Il était couvert d'une doudoune qui l'aurait fait paraître gros s'il n'avait pas deux brindilles qui dépassaient vers le bas de l'épaisse veste. Sans compter le bonnet à pompon qui recouvrait ses oreilles. Ça expliquait peut-être pourquoi il criait plus fort que nécessaire. Ou peut-être était-ce simplement son exaspération face à la fille qu'il photographiait. Elle.

- Incline un peu la tête et ne serre pas tes lèvres avec tant de force. On dirait un crapaud.

Merci. Elise fit ce qu'il avait dit et leva légèrement son bras droit, recouvert de frissons, comme l'était tout le reste de son corps. Une chair de poule si intense qu'elle avait de la peine à ne pas trembler. C'était bien là, la raison pour laquelle elle serrait ses dents au point où sa mâchoire la lançait. Éviter que ses dents ne s'entrechoquent.

Le shooting se déroulait au bord d'un fleuve dont la rive était constituée de cailloux aussi gelant qu'un glaçon de l'arctique. Elle le savait car ses pieds étaient nus.

Avec l'eau qui coulait en arrière-plan en de successives petites cascades pour prendre un soudain virage serré hors de l'objectif de l'appareil photo, Elise était censée incarner le bien-être et la jouvence du printemps.

Clairement, l'eau grise et le gèle qui recouvrait la majorité des pierres en disaient long sur l'erreur de saison. Leurs présences témoignaient d'une saison qui n'était ni l'hiver, puisqu'aucune neige n'était encore tombée, ni l'automne et ses couleurs vives.

Le paysage ressemblait plus à un arrêt du temps. Un endroit triste. Froid.

C'était pourquoi différents éclairages dont des projecteurs, des toiles et des réflecteurs étaient installés autour du site et d'elle-même. Ça et ces vêtements qui allaient lui donner une crève, devaient convaincre le spectateur de la saison printanière.

Elise portait un top brun à bretelle et fondu au milieu, ce qui ne laissait que deux bandelettes disparaître sous un jupon à volants sur lequel le photographe avait passé deux heures à chercher une manière de le faire ressembler à une cascatelle d'abondance, reflet de la cascade en arrière-plan. Ses mots à lui, pas les siens.

Elise essayait tant bien que mal d'éviter de renifler, puisque ça semblait irriter le photographe de renom mais son nez s'humidifiait et coulait. Avoir de la moque serait bien pire et se moucher n'était pas une option puisqu'elle devrait se refaire maquiller par la maquilleuse et perdre deux nouvelles heures pour camoufler son nez sûrement rouge sous une nouvelle couche de fond-de-teint. Elle était sûre que sous le rouge-à-lèvre rose ses lèvres avaient pris une couleur violette naturelle.

- Mieux.

Le photographe regarda dans sa caméra pour la énième fois avant de se diriger vers le reste de la troupe emmitouflé dans leurs habits chauds et des boisson fumantes entre leurs mains.

Elle resta sur place une minute avant de se diriger vers sa place où Adrien était arrivé quelques instants plus tôt.

Immédiatement, il la couvrit d'un manteau et lui tendit une boisson chaude. Ses doigts, à présent glacés, avaient de la peine à agripper le thermos fermement. Des paumes plus larges encerclèrent les siennes et elle se trouva immobile devant l'image que leurs mains enlacées offraient.

- Bonté divine, tu es gelée.

Les mains d'Adrien ne lâchèrent pas les siennes quand il amena le thermos vers la bouche d'Elise.

Pas assezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant