15. Je suis là.

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Sept jours plus tard, je m'étais résignée. Côme n'allait plus venir. J'avais tellement pleuré que je n'avais plus de larmes. Tout comme je n'avais plus de joie de vivre. Je ne parlais presque plus, ni ne souriais, et je voyais bien que cela inquiétait grandement Eglantine. Mais elle ne pouvait pas comprendre. Personne ne pouvait comprendre. J'avais perdu la personne qui m'était la plus chère. Et peu m'importait l'homme que j'allais ensuite devoir épouser. Jamais je ne pourrais l'aimer comme j'avais aimé Côme. Je le savais. Mon futur époux ne pourrait jamais être aussi tendre, timide, adorable, attentionné, parfait que le brun.

J'étais de retour dans mon coin favori des jardins. Eglantine était de corvée de nettoyage avec Louise, ainsi que trois autres pensionnaires. Et j'appréciais la solitude. J'aimais le fait de ne pas être obligée de faire la conversation, de ne pas devoir feindre d'être un minimum heureuse, alors qu'à la vérité, je n'étais que chagrin.

Une petite belette s'avança timidement jusqu'à moi. Je la considérai d'un regard morne, normalement attendrie par cette petite bête toute mignonne. Elle se frotta le museau, mais alors qu'elle voulut s'avancer jusqu'à moi, un bruit derrière la fit déguerpir. Je me replongeai dans la contemplation d'un buisson en silence.

J'entendis une branche craquer derrière moi, alors soupirai avant de me tourner. La première chose que je vis fut les yeux verts de Côme, fixés sur moi. Je me plaquai une main sur la bouche, n'osant y croire. Comment... Comment était-ce possible ?! Je l'avais cru mort ! Mais pourtant... C'était bien lui ! Il était pâle, visiblement amaigri, mais... C'était lui.

Sans pouvoir me contrôler, je me relevai si rapidement que je manquais glisser et courus me jeter dans ses bras. J'y mis tellement de force que je nous projetais à terre. Mais je m'en fichais. Il était revenu ! Blottie contre lui, au sol, j'éclatai en sanglots soulagés. Il me serra avec force dans ses bras, embrassant sans relâche mes cheveux, ma nuque, mes joues, tout ce qu'il pouvait embrasser. Il enfouit enfin son visage dans mon cou, et je sentis des larmes rouler sur ma peau.

Aussitôt, je m'écartai de lui pour essuyer mes pleurs, puis caressai tendrement son beau visage aux traits tristes. Il se redressa pour s'asseoir en face de moi, et prit mes mains dans les siennes, les serrant si fort qu'il me fit mal. Mais je n'en dis rien. Il m'avait tellement manqué ! Sans réfléchir, je libérai mes mains de son étreinte pour agripper son visage et l'embrasser fiévreusement. J'avais eu si peur de ne plus jamais pouvoir le toucher, profiter de sa présence, de ses baisers, que toute ma retenue avait disparu. Il me serra par la taille contre lui, nous faisant basculer dans l'herbe. Ses lèvres capturaient les miennes sans relâche tandis que mes mains fourrageaient dans ses cheveux. Jamais il ne m'avait embrassée ainsi, jamais il n'avait été aussi fougueux.

Quand enfin il se sépara de moi, il agrippa ma mâchoire pour me contempler en silence, l'air ému. Je balbutiai :

« - Je... Je vous ai cru... Mort, et... »

Ma voix se brisa, et je me blottis contre lui pour qu'il ne voit pas mes larmes. Il me serra contre lui en soupirant, embrassant doucement ma nuque pendant que j'essayai de ne pas pleurer.

Il m'écarta ensuite de lui pour planter son regard inquiet, mais infiniment aimant dans le mien. Lentement, j'effleurai ses cheveux en soufflant :

« - J'ai eu si peur de ne jamais vous revoir, et... Comme je n'ai pas eu de nouvelles pendant si longtemps, je... Je me suis imaginé le pire... »

Il se mordit la lèvre, caressant délicatement mon dos. Puis il me lâcha pour fouiller ses poches, en sortir un bout de papier, et écrire.

J'ai été horriblement malade, avec de la fièvre, des délires, des vomissements. Je savais déjà, le soir où je vous ai emmenée au théâtre, que j'étais souffrant. Mais pour rien au monde je ne serais resté un jour sans vous voir. Lorsque j'étais alité, j'ai essayé de demander à Léandre de vous prévenir, mais il n'a pas voulu quitter mon chevet. Mon oncle semblait attendre avec impatience que je succombe, pour pouvoir accéder facilement au trône. Mais seul le fait de penser à vous m'a obligé à me battre. Je ne voulais pas mourir sans vous avoir vue une dernière fois.

The sound of silence (Tome 1) ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant