28. Je ne peux même pas sortir, et...

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Six jours après, lorsque je m'éveillai doucement, le lit était vide. Encore à moitié endormi, je passai ma main sur le matelas en soupirant. Il était tiède. Titania n'était donc pas levée depuis longtemps... Je me retournai dans les draps, essayant de préserver mes yeux de la lumière qui filtrait à travers les rideaux. Mais c'était peine perdue, j'étais trop réveillé pour cela. Soufflant d'agacement, je m'assis dans le lit en me frottant les yeux. Où était-elle ? Peut-être en train de faire sa toilette ? Ou alors elle dessinait, dans la pièce que j'avais faite aménager ? Ou elle était encore dans la chambre ?

J'ouvris les yeux, mais elle n'était pas là. Je rajustai ma chemise sur mon corps nu, puis me levai. Depuis le mariage, je ne m'étais jamais réveillé seul. C'était la première fois. Et je craignais toujours l'instant où j'allais devoir déshabiller entièrement Titania. Je n'étais pas prêt pour cela, malgré tout ce que m'avait expliqué Léandre. Et je voyais bien qu'elle non plus n'était pas prête, alors cela me rassurait un peu.

Je passai distraitement une culotte, puis sortis de la chambre. Dans le couloir, plusieurs domestiques s'affairaient à nettoyer. C'était bien éloigné du style de vie normal du château, mais tant que Titania était en sécurité, cela m'importait peu. Croiser ou non les serviteurs, je m'en fichais. J'ouvris une à une les portes du corridor, mais elle n'était pas dans les pièces. Puis, j'ouvris celle de la salle « à dessin » comme je l'avais secrètement renommée, et la vis, assise par terre, devant la fenêtre. D'où j'étais, je voyais ses mains bouger devant elle, et sa tête se relevait par petits coups. Elle dessinait.

Lentement, je pénétrai dans la pièce, et refermai doucement la porte. A pas de loups, je m'avançai vers elle, jusqu'à pouvoir voir ce qu'elle dessinait par-dessus son épaule. Comme je m'y attendais, c'étaient les jardins qui se trouvaient derrière les fenêtres. Dès qu'elle venait dans cette pièce, elle reproduisait les buis taillés, les fontaines, les arbres, tout ce qu'elle voyait. Je devinais bien qu'elle mourait d'envie de sortir, de courir dehors, mais... Elle ne le pouvait pas.

Je m'assis doucement à ses côtés, mais elle ne cilla pas. Elle m'avait entendu. Un sourire amusé m'échappa, mais je restai silencieux, respectant sa « bulle » d'artiste. Je remarquai qu'elle avait passé une robe d'intérieur, et vis ses pieds nus. Je soupirai, et elle sourit sans quitter son dessin des yeux. Je fixai sa feuille, les yeux écarquillés. J'étais toujours stupéfait par son talent. Elle parvenait à reproduire n'importe quoi sur papier, et à y insuffler de la vie. Lorsqu'elle m'avait dessiné avec Grisou, à l'Institution, j'avais presqu'été incapable de dire quoique ce soit, tellement j'étais ébahi par le croquis. Je l'avais d'ailleurs, par la suite, gardé dans ma chambre, sous mon oreiller pour que personne ne le voie, puis l'avait fait encadrer et accrocher au mur de la pièce. Le plus étonnant était que Titania ne semblait avoir aucune conscience de son talent. Pour elle, elle dessinait bien, mais sans plus. Alors qu'elle était merveilleusement douée.

Elle ajouta la dernière touche de gris à son dessin, puis le posa au sol en soupirant. Elle se tourna ensuite vers moi en souriant :

« - Je ne t'ai pas réveillé ? »

Je secouai la tête, avant de la prendre par la taille pour la serrer contre moi. Elle se blottit contre mon flanc, tirant sur sa robe d'intérieur pour camoufler ses pieds nus. Elle savait très bien que je n'aimais pas quand elle ne se couvrait pas, car le temps se refroidissait. Je croisai son regard, et elle ouvrit de grands yeux innocents :

« - Qu'y a-t-il ? »

En riant, j'embrassai son nez avant d'enfouir mon visage dans son cou pour parsemer sa peau de baiser. Je sentais ses rires dans sa gorge, et elle essayait de me repousser sans y mettre beaucoup de force. Elle abandonna l'idée de se défendre pour m'enserrer la taille de ses bras. Le nez contre sa peau, j'inspirai sa douce odeur. C'était un mélange de senteurs, celle du papier, du miel, et des fleurs. J'adorais. Je la sentis à son tour embrasser mon cou, puis elle se recula pour que son nez touche le mien. Même sans voir sa bouche, je savais qu'elle souriait à cause de ses yeux plissés. Elle posa fugacement ses lèvres sur les miennes, avant de s'esquiver et de se relever en pouffant de rire. Amusé, je me levai à mon tour pour l'emprisonner dans mes bras. Elle se débattit, riant à gorge déployée, et j'en profitai pour lui voler un baiser, puis un deuxième, puis un autre, et encore un autre. Elle entoura mon cou de ses bras, se pressant contre moi en souriant contre mes lèvres.

The sound of silence (Tome 1) ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant