Chapitre 27.

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_ Jai ?

Ma voix n'est qu'un murmure étranglé, et je toussote pour m'éclaircir la gorge. Il est à trois pas de moi. C'est encore beaucoup trop. Je saute dans ses bras, et il me prend par la taille en réprimant une grimace de douleur. Je m'écarte.

J'ai l'impression de rêver. Je crois que j'ai trop bu, et que les restes d'alcool me font halluciner. Il n'a plus l'odeur que je lui connais. Ses cheveux sont en bataille et sa barbe n'a jamais été aussi longue. Ses vêtements sont froissés. Il a de larges cernes sous les yeux, et il a maigri.

_ T'es vivant...

C'est tout ce que je trouve à dire avant de le reprendre dans mes bras. Je n'arrive pas à y croire. Il est là, en chair et en os. Réel. Ils l'ont ramené ! C'est tout ce qui compte. Je passe un long moment dans ses bras, riant et pleurant dans son t-shirt sans pouvoir m'arrêter.

_ Tu as faim ? Ça va ?

_ Je vais aller prendre une douche, ça va... Mais je meurs de faim.

_ Je vais aller te faire à manger.

Je l'embrasse et file à la cuisine tandis qu'il occupe la salle de bains. Je prépare un repas, les mains tremblantes et les joues toujours humides - je n'arrive pas à arrêter de pleurer. Je gardais espoir qu'il soit en vie, mais je n'arrivais pas à me le dire, pour moi il était mort, il ne reviendrait jamais - peut-être que je ne voulais pas me faire de faux espoirs, afin d'atténuer la douleur. Mais il est là, et je me sens légère comme jamais, comme si la guerre était terminée.

Il revient, propre, rasé, coiffé, changé. Il est redevenu lui. Il s'assied à la table et grimace encore, grimace qu'il transforme en sourire quand je pose une assiette chargée devant lui. Il a vraiment besoin de reprendre du poids. Maintenant que sa barbe a disparue et qu'il fait plus jeune, je vois à quel point ses joues sont creusées.

Je mange le gâteau qu'on m'a déposé pendant que je dormais. Le silence règne. Je n'ai pas envie de lui poser des questions qui pourraient lui faire revivre son expérience, mais j'ai besoin de savoir s'il va bien, s'il a mal, ou s'il a besoin de quelque chose.

Quand il retire son t-shirt, dans la chambre, je réprime un frisson. Je peux compter ses côtes, et son torse poilu est couvert de bleus.

_ J'ai deux côtes cassées, mais ça va. J'ai juste sommeil.

_ Dors, ne t'en fais pas.

_ Viens t'allonger vers moi.

Je m'exécute mais ne le colle pas, à cause de ses blessures, et il ignore mes protestations quand il me serre contre lui. Je retrouve sa chaleur, les battements de son coeur et son odeur. Toutes ces choses qui avaient disparues depuis quinze longs jours. Il s'endort rapidement, tandis que je profite juste de ce moment, les yeux fermés, comme si on allait me voler mon bonheur enfin retrouvé.

_ Je t'aime aussi, Jai, merci d'être revenu en vie.

Je sais qu'il ne m'entend pas, je voulais juste tester ce que ça donnait. Je me sens idiote, mais je le pense très fort. Sur ma table de nuit trône toujours le petit post-it, que j'ai fait tatouer sur mes côtes. J'ai toujours pensé que c'était hautement stupide de tatouer quoi que ce soit en rapport avec une relation amoureuse, pour éviter tout malaise de retrouver ça sur son corps après une hypothétique rupture.

Mais je l'ai fait.

Bien sur, le contexte est différent, je ne l'aurais jamais fait sinon... Mais je ne regrette pas, peut-être un jour, mais pour le moment, j'ai décidé de vivre aujourd'hui. Sans penser à hier ni à demain. Il n'est pas mort. Je suis amoureuse de Jai. Il est amoureux de moi. Notre pays est à feu et à sang. Nous avons été confronté à des choses inhumaines, et je ne sais toujours pas s'ils lui ont fait quoi que ce soit dans ses gènes, ou autre chose.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant