Chapitre 32.

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_ Le médecin a dit de te reposer jusqu'à la naissance, dit Jai, furieux. Il n'y a pas assez de médecins pour gérer la prématurité d'un nourrisson.

Je m'apprête à répliquer, furieuse contre le monde.

_ Elle en mourrait, Tris. Je ne veux pas de ça, ni pour nous, ni pour elle. J'ai besoin de connaitre ma fille, j'ai besoin de savoir que tout va bien. On n'a plus beaucoup à attendre, il faut tenir bon.

Je hoche la tête, vaincue.

Il m'embrasse, effleure mon ventre et claque la porte pour aller au travail, vêtu d'un pantalon coupé en short et d'un t-shirt délavé. J'ai toute une collection de livres dans notre bibliothèque, maintenant, grâce à Luna et les livres récupérés, mais je m'ennuie quand même comme un rat mort. Ça fait deux jours que je suis contrainte de rester à l'appartement, parce que le médecin a dit que je devais me reposer pour ne pas nuire à la santé du bébé en accouchant maintenant. Je n'ai aucune envie de subir ce genre d'épreuve, puisque j'ai suivi mon filleul à travers tout ça.

Naitre trois mois et demi avant le terme est plus compliqué que de survivre à une guerre. C'est une guerre aussi, de tous les instants, contre soi-même. Je me rappelle son poids plume, qui n'excédait pas les sept cent grammes, de son petit torse rouge à la peau craquelée se soulever difficilement à chaque fois que l'intubation forçait ses poumons à s'ouvrir. Un cauchemar. J'ai bien cru qu'il allait y passer des tas de fois, mais il a survécu, sans aucun problème mental ou physique. Un miracle, d'après la science.

Ma montre bipe en début d'après-midi.

Lincoln : Jai blessé, ramène-toi à l'hôpital des Sincères.

Le livre que je tenais vole sur le canapé et la couverture de La Servante Écarlate se referme tandis que je claque la porte d'entrée. Je n'ai jamais été aussi rapide pour prendre un tram (sans sauter dedans) et débouler à l'accueil d'un hôpital plutôt calme. Chose rare.

_ Bonjour, que puis-je faire pour vous ? Demande une Altruiste.

_ Bonjour, on m'a annoncé que mon compagnon était ici, il a été blessé.

_ Prénom et faction ?

_ Jai, il est Audacieux.

_ Il est au bloc opératoire en ce moment même, mais vous pouvez attendre dans sa chambre au troisième étage, chambre 310.

Je la remercie et prends l'ascenseur au milieu d'un groupe d'Erudites particulièrement bruyantes. Je me demande quelle médecin serais-je devenue si j'avais fait couler mon sang dans l'eau, à la Cérémonie. Peut-être que je parlerais aussi fort de mes autopsies avec mes copines qui ont passées la matinée à retirer des abcès, ou n'importe quel autre truc cradingue que le corps peut fabriquer.

J'arrive dans la chambre en même temps que Théodore. Lincoln est couché sur le lit et envoie une balle en caoutchouc Disney au plafond.

_ Bordel, que s'est-il passé ? Demandé-je en m'écroulant sur le siège bleu.

_ Jai est tombé de l'escabeau en plein sur une tige de métal. Il s'est empalé dessus comme un crétin, et ils ont dû couper la barre à la scie circulaire pour l'emmener.

Je grimace.

_ Et c'est à moi qu'il ose dire de me tenir tranquille.

_ Comment va le bébé ? Demande Lincoln. Jai m'a dit ce matin que c'était une fille, c'est cool ! Vous avez déjà choisi le prénom ?

_ Oui, on a déjà choisi, et non, vous ne le saurez pas avant la naissance.

Les deux garçons râlent de concert.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant