Déficients [TOME 1 & 2]

Chapitre 33.

_ Quand se réveillera t-elle ?

Je suis arrivé directement après ma journée de service, les bottes pleines de poussières des chemins des Fraternels. Le médecin et une infirmière changeaient le pansement de Luna, toujours inconsciente. Le bruit des machines envahit toute la pièce, c'en est rapidement insupportable.

Elle s'était réveillé suite à ses opérations visant à réparer les organes touchés par la balle, et elle a même pu parler, mais je n'ai pas pu la voir à ce moment-là - uniquement la famille. Puis l'infection s'est déclaré, et elle est actuellement sous doses massives d'antibiotiques par perfusion, plongée dans un coma artificiel pour lui épargner la souffrance.

On ne me répond pas, et ils me laissent seule. Je suis un peu gêné d'être planté devant elle, sans savoir quoi dire. Je tapote sa main, je regarde un instant son visage paisible, et je pourrais presque croire qu'elle dort, sans les machines et cette immonde robe de chambre. Je pince les lèvres. Pourquoi est-ce si dur de rester digne face à ce spectacle ? J'ai envie de m'enfuir, de rentrer très vite et d'aller me saouler dans la Fosse, pour oublier tout ça. Pour oublier l'odeur du sang sur ma peau. Mais une force invisible me force à rester plantée devant elle, parce que j'ai toujours su que je serais là, avec elle, pour le meilleur et pour le pire.

Je n'ai pas le choix.

_ Tu as intérêt à te réveiller, Luna ! Rappelle-toi qu'on a un tour de tyrolienne à faire.

Je l'embrasse sur le front et remonte la couverture un peu plus haut sur sa poitrine avant de m'en aller, non sans lui jeter un dernier regard. Elle n'a pas bougé depuis mon arrivée.

Je traverse l'unité de soins intensifs en sens inverse, au pas de course et en regardant mes chaussures, pour ne pas voir toute la misère morale de ce lieu et des gens en pleurs sur les chaises bleues. Je n'ai jamais supporté les pleurs, ou même la peine, des autres. Je me sens tellement mal à l'aise que je préférerais m'éclater la tête contre le mur plutôt que de les entendre sangloter.

Avant de rentrer, je passe à la bibliothèque et emprunte deux livres, pour m'occuper l'esprit et faire la lecture à Luna, demain. Jai n'est pas à l'appartement, et ce n'est plus l'heure de diner, alors je prends une douche et me glisse dans le lit froid.

Aussi froid que ma relation amoureuse, depuis cinq jours.

_ Salut.

La porte d'entrée claque, il sait que je suis là grâce à mes affaires et la lumière allumée. Je l'entend fouiller l'appartement, puis prendre une douche et, enfin, il est devant moi.

_ Salut, dis-je en louchant sur son torse nu.

_ La vue te plait ?

Je relève la tête et le regarde, soulagé de voir un sourire sur son visage. Il jette son t-shirt au pied du lit et s'installe près de moi, sans me toucher, les bras derrière la tête. Son odeur me vient au nez. J'inspire à pleins poumons en essayant de repousser le moment fatidique.

_ Je suis désolé...

Je contemple mes mains, rougissante ; je n'ai jamais été très doué pour les excuses. Il reste silencieux, le souffle régulier. Je déteste quand il garde le silence comme ça, surtout alors que je présente mes excuses. Ça me rend dingue.

_ Je sais que je suis égoïste de ne pas t'inclure dans mes projets, ajouté-je. Mais j'en mourrai s'il devait t'arriver quelque chose... Tu comprends ?

Un sanglot menace de m'échapper.

_ Liam, Luna... Et puis toi... J'ai l'impression d'être celle qui tire sur mes amis... Et je n'arrive pas à me le pardonner.