_ Bon, c'est quoi votre plan ? Chuchote Theo.
Nous restons serrés en cercle devant le petit commissariat lugubre. Mon arme se balance doucement sur mon épaule au rythme de mes mouvements, et je me creuse la tête pour trouver une solution, quelque chose qui ferait paraitre notre besoin d'argent comme indispensable. Nous entrons au pas, sous l'œil d'un flic à moitié endormi derrière le comptoir d'accueil.
Il nous toise.
Théodore ouvre la bouche, semblant vouloir dire quelque chose, mais Jai lui agrippe le coude et s'approche du comptoir, l'air sûr de lui, les épaules droites et le torse bombé. Je réprime un rire. Je comprends sa réaction ; Théodore a beau être marrant, charmant et intelligent, il manque singulièrement de tact et ne s'encombre jamais de préambule.
_ Bonjour, nous faisons partie de l'escouade des Audacieux français EA1GSF, nous avons été envoyé de la part de notre supérieur pour protéger votre ville moyennant salaire.
_ Je n'ai reçu aucun bulletin sur cette information, dit le policier.
Je serre les dents. Jai prend beaucoup de risques à dire ça, surtout que nous n'avons plus de puce pour être identifié, et qu'on ne doit surtout pas être pris à notre propre piège. Si le gros lard luisant de sueur se décide à appeler les Complexes pour vérifier nos dires, nous sommes bons pour être exécutés par notre propre faction. Je décide de me comporter comme si notre présence ici était normale et prévue. Je redresse donc la tête et toise l'homme au crâne dégarni avec arrogance.
_ Oui, nous sommes désolés, continue Jai. Les communications sont coupées et nous avons fait beaucoup de chemin, nous avons été envoyés sur des villes qui ont été bombardées, et notre supérieur a été mortellement touché. Ça fait un mois que nous sommes sur les routes de votre pays.
Le policier semble réfléchir en contemplant un tableau en liège derrière lui, son siège grince quand il nous regarde à nouveau.
_ Bon, tant mieux. La moitié des brigadiers ne sont plus là. Vous faites des patrouilles ? Je suppose que nous devons vous fournir un logement. Voyons voir...
Il se lève et nous jauge, tournant autour de nous pour évaluer notre carrure, nos armes, nos tenues heureusement propres, nos cernes. Il est évident que nous avons fait un long chemin. Il reste devant moi à me scruter comme s'il pouvait voir mon âme, j'essaie de ne pas ciller, mal à l'aise par sa proximité et son odeur rance de transpiration.
_ Vous êtes tous aptes au travail, déclare-t-il. Sauf elle...
Il fait un mouvement de menton vers ma direction en se rasseyant, soufflant bruyamment.
_ Pourquoi ? Demande Théodore.
_ Ses yeux... Elle est génétiquement déficiente.
Mon coeur tombe dans ma poitrine et je sens des larmes de rage me monter aux yeux. Ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas jeté ma déficience au visage, comme si j'étais porteuse de la peste. Ça fait mal. Je serre les poings jusqu'à sentir mes ongles s'enfoncer dans mes paumes, prête à laisser jaillir ma colère.
_ On s'en fout ! Elle a survécu à deux balles dans le corps, elle s'est échappé deux fois des Labos et a sauvé une bonne douzaine de personnes en tentant de s'enfuir ! Elle a survécu au sérum létal qu'ils lui ont injecté, s'enflamme mon ami.
Théodore, qui me prend pour une super-héroïne, et qui me défend sans hésiter. Jai me regarde, comme s'il redoutait ma réaction - ne pas se mettre en colère, ne pas faire de vagues. Même si je ne suis pas prise, ce qui me blesse et m'enrage, je ne dois pas compromettre la chance de mes sept compagnons. Je trouverai autre chose, même si je suis uniquement formée pour la guerre et la protection.
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Déficients [TOME 1 & 2]
FanficElle fait partie des survivants des expériences génétiques du Labo, mais à son réveil, tout a changé. Le système des Factions a été instauré, et la fille aux yeux gris devra faire son Choix. Elle se battra, s'intégrera, découvrira la différence crue...