Chapitre 39.

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Je n'ai pas le temps d'entendre sa réponse que je tombe dans les vapes, un goût horrible dans la bouche et une sensation de froid envahissant mes veines.

***

Je reprends mon souffle comme si je l'avais retenu pendant très longtemps sous l'eau. Mes poumons me brûlent. J'ouvre les yeux sur un lieu étrangement semblable à l'un de mes pires cauchemars. Je suis affalée dans un coin de mur, et les muscles raides de ma nuque m'indiquent que je suis restée longtemps dans cette position.

Je tousse... Et convulse de douleur.

Je relève ma veste, mon pull et mon t-shirt pour regarder l'état de mes côtes. J'ai un vilain hématome sur le côté droit, et ma joue me chauffe. Je me rappelle vaguement avoir chuté quelques fois dans une course poursuite. Je me relève d'un coup sans écouter les protestations de mon corps engourdi et affaibli.

Ils m'ont eu !

La cellule où je suis est en tout point pareil à celle où je me suis réveillée au Labo, et ça me fait paniquer outre mesure. Le Labo n'existe plus, il a été détruit dans une explosion, j'y étais ! J'ai encore des cicatrices pour me le rappeler ! Où est Jai ? Il fait froid, je referme ma veste tant bien que mal, l'épaule droite si douloureuse que je manque de tomber dans les pommes.

Les élancements sourds me coupent le souffle.

Je me suis fait tirer dessus. Je ne peux pas retirer ma veste et mon pull, j'ai trop mal et trop froid, alors je regarde sommairement par le trou que la balle a fait. J'appuie dessus et sens une boule qui ne devrait pas être là. La balle est dedans. Et merde.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, et si personne ne m'a soigné, l'infection me guette. Je me résouds donc à retirer ma veste, puis la manche du bras blessé en me mordant la joue pour ne pas hurler. Ma peau nue est couverte de chair de poule, et j'entends le crépitement de la pluie dehors.

Je prends une grande inspiration, regarde la plaie, détourne le regard, reprends une respiration, et appuie de toute mes forces sur les bords de la plaie pour en extraire la balle. Un long cri d'agonie sort de ma bouche tandis que je sens la balle sous mes doigts, et la glisse pour la faire sortir de ma chair. Le sang recommence à couler sur ma peau déjà pleine de sang sec et coagulé.

La balle tinte sur le linoléum blanc, le tachant d'un rouge écarlate. La porte en verre s'ouvre au même moment, et j'ai l'impression d'être revenue en arrière.

_ Ferme ta gueule, Isaacs !

Je ne relève même pas le fait qu'il sache mon nom. Je me rhabille et me lève en titubant, le regard noir. Je ne suis plus la fille faible qu'ils ont enlevé il y a seize mois, je suis Tris, je suis une Audacieuse. Audacieuse blessée, certes, mais je reste une soldate. Soldate effrayée, épuisée et énervée.

Vu la tête qu'il fait quand je fonce sur lui pour le plaquer au sol, il ne s'attendait pas du tout à ça. Mon élan est tel que sa tête cogne dans le mur du couloir, avec un bruit déplaisant à entendre. Je le tiens par les cheveux et lui frappe encore et encore le crâne contre le sol, jusqu'à ce que ses yeux se révulsent. Je me relève et laisse échapper une larme tellement j'ai mal à l'épaule, je manque même de m'évanouir.

Personne dans le couloir.

Mais dans la cellule à droite de la mienne, il y a un garçon qui me regarde, le nez collé contre la porte. Je déglutis. Il ne doit même pas avoir quinze ans. Des tâches noires dansant devant mes yeux, je m'empare du trousseau de clés resté sur ma porte et déverrouille la sienne. Il en sort tout éberlué, et j'ai les mains tremblantes tandis que je reprends les clés. Je ne me pensais pas capable d'un tel acte, mais je le suis - on est souvent étonné des choses que l'on peut faire quand on n'a pas le choix.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant