Chapitre 15.

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Nous avons tous le nez collé aux vitres pour voir la ville que nous parcourons.

Nous sommes entrés dans la Nouvelle-Orléans après trois jours de voyage supplémentaires, parce que tout le monde était épuisé de rester dans le minibus en permanence, même après notre pause. Surtout après notre pause. Devoir se remettre en route après avoir flemmardé au bord d'une rivière a été compliqué pour tout le monde, et des embrouilles ont éclatées jusqu'à Jackson, où un autre pneu nous a lâché.

Il nous a fallu des heures pour convaincre un garagiste de nous en céder un, même usé. On le doit au grand charme de Theo et Jai, qui ont convaincu la femme du garagiste. Elle bafouillait, rouge, quand ils sont partit en lui lançant leur plus beau sourire.

_ Vous êtes prêts à rencontrer des vampires désespérés de l'être ? Des monstres venus de faille dans le temps ? Des esprits qui vous cassent la gueule dans une ruelle une nuit de pleine lune ?

Théodore lance son poing dans mon épaule blessée. Je grimace et replie mon bras contre moi, qui me lance d'une douleur sourde.

_ Merde j'avais oublié, désolé ma super-Tris.

Je lui lance un geste grossier de la main avec un sourire affable, et stoppe le minibus sur un parking près de l'océan, d'un bleu incroyable. Je sors, incapable de détacher mon regard de cette étendue mouvante, insensible aux ravages de l'Homme. Nous nous regroupons tous, ébahis, fiers de notre parcours. On se congratule en se sautant dans les bras, en se tapant dans le dos, en s'embrassant.

_ Le dernier à la plage est une tomate pourrie, hurle Marlène.

_ T'es une sale gamine tricheuse, hurlé-je.

Nous courons tous derrière elle en se poussant, trébuchants dans le sable qui s'infiltre dans nos bottes, riant du regard étonné des gens présents sur nous. J'arrive derrière Marlène en sautant sur son dos. Elle me repousse et passe son bras derrière ma nuque, je prends Jai par la main et regarder les vagues lècher mes bottes. Nous ne sommes plus qu'une ligne de bras entremêlés, une ligne de silhouettes noires dans un lieu magique vierge des traces de la guerre.

Dans des moments pareil, je ne peux pas penser au malheur, mais plutôt à ce qui reste de beauté. Essayer de retrouver le bonheur qui subsiste en nous, être attentif à la beauté dans tout ce qui nous entoure... et être heureux.

_ On y est, murmuré-je. On l'a fait.

Je retire ma veste, mon t-shirt, mes bottes et cache mon pistolet dedans, mon pantalon, et m'éloigne doucement dans cette étendue d'eau mouvante. Les autres me suivent, s'éclaboussent, rient. Je plonge, observe les poissons quelques secondes avant que le sel ne me brûle les yeux, puis remonte sous un soleil qui fait miroiter et étinceler l'eau. Un mois de voyage et six mille kilomètres plus tard, nous y sommes enfin.

_ Je n'avais jamais vu l'océan Atlantique, dis-je à Theo.

_ En fait, ici, c'est le Golfe du Mexique, ricane-t-il. Au moins, tu découvres des choses.

Je hoche la tête et passe mon doigt sur ma cicatrice violette sur l'épaule, celle sur ma cuisse et celle de mon poignet, puis celle de mon ventre, beaucoup plus grosse que les autres. Dans ma vie, je suis passé des tas de fois à côté de la mort, sans jamais y succomber. Je me demande quand le sort me le fera payer une bonne fois pour toute.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant