_ Tris ?
Je grogne et repousse la main qui dégage les cheveux de mon front. Je me crispe. Jai m'appelle à nouveau, mais j'ai les paupières trop lourdes pour ouvrir les yeux.
_ Tris ? Ça va ?
_ Je vais chercher la trousse de soins, elle est brûlante.
Mes paupières papillonnent difficilement, je frissonne et remonte la couverture sur mes épaules. La lumière qui provient du couloir m'aveugle presque. Je distingue deux silhouettes en contre-jour au pied du lit, silencieuses. Jai est assis à côté de moi, son air inquiet sur le visage. Merde, c'est l'heure des patrouilles ! Combien de temps ai-je dormi ? Me mettre en position assise fait tanguer dangereusement la pièce, et j'ai à peine le temps de courir aux toilettes que je rends le contenu de mon estomac.
_ C'est de ta faute, Marlène, crie Jai. Je suis sûr que vos piercings se sont infectés !
Je vacille et m'appuie contre le mur pour revenir. Je cherche mon pantalon, avant de réaliser que je ne l'ai pas enlevé pour dormir.
_ Reste au lit, Tris, dit Théodore. Je vais prendre ton tour de garde.
_ J'ai ramené le thermomètre, dit Hazel. T'as vraiment une sale tête, Tris.
_ Merci, grogné-je.
Elle se confond en excuses, mais je n'ai pas la force de l'écouter. On me fourre le thermomètre dans la bouche, puis quand la tige bleue a bippé, on me tend un verre d'eau et deux cachets. Ils papillonnent tous autour de moi et ça me fout encore plus la gerbe. J'avale l'eau avec une grimace en faisant des efforts pour ne pas tout rendre à nouveau. On me repousse au lit, je me blottis sous une deuxième couverture, en nage et frissonnante. Super, il ne manquait plus que la crève dans ma vie.
_ 39,6 ! Elle fait pas semblant, ricane Lincoln. Bon, on va tous avoir deux fois plus de travail ! J'essaierai de trouver une pharmacie pour refaire le stock.
Les autres s'en vont, tandis que Jai se couche auprès de moi en jetant son pantalon et son pull sur une chaise branlante sous la fenêtre. Il ne me touche pas, ne me serre pas dans ses bras comme d'habitude, et même si ça me manque je ne peux pas m'empêcher de lui en être reconnaissante. Son toucher de tout à l'heure m'a provoqué cette même sensation d'étouffement que quand j'avais cette foutue phobie. Cette haptophobie, qui empêchait les gens de me toucher, parce que j'en avais une trouille monstre.
Je ne l'ai jamais dit à Jai. Il est le premier homme à pouvoir me toucher comme ça. Les autres... m'ont aimé de la seule manière que je trouvais acceptable.
_ Réveille toi, mollassonne, il faut prendre tes cachets, murmure une voix toute proche.
J'ouvre les yeux sur Marlène, qui est aussi sous les couvertures. Jai n'est plus là. Elle me tend un verre d'eau et deux autres cachets, je les avale difficilement, la gorge sèche et la tête lourde. Il fait grand jour maintenant, je le vois à travers un interstice des volets en bois. Les autres rigolent dans la cuisine et une odeur de nourriture met mon estomac à rude épreuve. Marlène va fermer la porte et revient, des cernes sous les yeux, en sous-vêtements. Je remarque une cicatrice blanche sur la droite de son ventre, et une autre vers son estomac.
_ C'est quoi tes cicatrices ?
Elle me regarde en coin et finit son biscuit avant de soupirer. Elle passe une main dans ses longs cheveux noirs et lisses que la guerre n'a pas abîmés. Je sens sa gêne, et je hausse les épaules pour abandonner le sujet. Chacun ses douleurs. Moi-même je ne serais pas prête à dévoiler l'origine de toutes mes cicatrices, et dieu sait que la liste est longue.
_ Cancer...
_ Oh.
Elle sourit tristement.
_ Ça va, ne t'en fais pas. C'était il y a longtemps... Enfin, dix ans. Cancer du foie métastasé, alors pas le choix, ils l'ont enlevé et m'en ont transplanté un autre. J'ai guéri en deux ans.
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Déficients [TOME 1 & 2]
Fiksi PenggemarElle fait partie des survivants des expériences génétiques du Labo, mais à son réveil, tout a changé. Le système des Factions a été instauré, et la fille aux yeux gris devra faire son Choix. Elle se battra, s'intégrera, découvrira la différence crue...