Chapitre 32.

45 4 2
                                    

La carte de la ville que tenait Luna se déchire soudainement, avant même que mon cerveau n'enregistre la détonation. Je n'ai pas le temps de comprendre que ma meilleure amie s'effondre lourdement au sol. Par réflexe, je dégaine mon pistolet et tourne sur moi-même, sans trouver de cible. Un autre coup part et siffle au-dessus de ma tête. Je me rue dans une ruelle déserte et me cache derrière une benne à ordures.

Je tapote ma montre, les doigts tremblants. J'appuie sur le bouton d'alerte qui me localisera et m'enverra la patrouille la plus proche.

Luna gémit à trois mètres de moi. Aux premiers cris des patrouilleurs quelque part dans la rue, je cours vers elle et compresse ce trou qu'elle a dans le ventre. Je retire les trois graviers qui se sont fichés dans son front après sa chute et j'essaie de lui dire de respirer calmement. Rien ne fonctionne, la peur nous paralyse les deux, et je ne peux rien faire d'autre que répéter des paroles creuses tandis que je prodigue un semblant de premiers soins.

Mes doigts ruissellent de sang, je compresse encore plus fort. Son visage est de plus en plus pâle et un gargouillis sort de sa gorge.

_ Ne parle pas, économise tes forces... Ils vont arriver, ne t'en fais pas !

Un filet de sang coule maintenant de sa bouche jusqu'à son oreille, et un froid glacial s'empare de moi. Pourquoi les secours n'arrivent-ils pas ?! Je la serre contre moi pour la réchauffer, elle tremble, elle appelle sa mère et pleure, et moi je compresse toujours sa plaie en essayant de la rassurer.

Des bras me décollent soudainement d'elle et je suis repoussé sur la chaussée, tandis qu'une nuée de médecins s'agitent autour de Luna avec des poches de perfusions et des compresses. Elle est rapidement allongée sur une civière et transportée dans une ambulance, toutes sirènes hurlantes.

Je recule en me servant de mes mains jusqu'à m'appuyer contre le mur, et range le pistolet que j'avais abandonné en courant vers elle. Je me passe une main sur le visage avant de la retirer - elles sont pleines de sang et sentent le fer. Je réprime une nausée. J'ai tellement froid que je ne peux pas bouger, mon corps entier tremble violemment. Je suis incapable de me mettre debout et de rentrer à la Flèche.

A la base, on cherchait l'hôpital où j'étais, après la journée des Familles. Ses parents sont partis peu après midi, et nous en avons profité tandis que Jai restait un peu avec sa famille.

Les derniers gars de la patrouille repartent en me faisant un signe de tête, tandis que d'autres emmènent le corps du tireur. Je ne regarde pas. Je me concentre sur les graviers qui sont sur mes genoux et mes ongles pleins de sang. Pourquoi ? Pourquoi ont-ils tiré sur Luna ?

La nuit tombe doucement sur la ville, et les ombres des bâtiments grandissent jusqu'à ce que l'obscurité m'empêche de voir la flaque sombre au milieu de la route. Le lampadaire éclaire ma pauvre carcasse recroquevillée - et non le ciel, puisqu'ils sont nouveaux et réduisent la pollution lumineuse. Ces lampadaires fonctionnent également à l'aide d'un détecteur de mouvements humains, et toutes les vitrines des magasins sont éteintes la nuit. Les ampoules utilisées sont toutes des LED - on économise l'électricité. Je me lève finalement, frissonnante, et me mets en route. Je mets un temps fou à retrouver mon chemin, me trompant deux fois de métro. Je ne suis jamais venue dans cette partie Altruiste de la ville.

_ Hé, t'étais où ?

Je continue mon chemin et prends le petit escalier raide qui mène à la Flèche depuis la Fosse, mais une main m'agrippe par le coude et je manque de m'étaler en manquant une marche. Nous passons devant un néon bleu qui grésille.

_ Réponds m... Bordel, pourquoi es-tu couverte de sang ?

_ Luna... Quelqu'un a tiré sur Luna, parvins-je à bredouiller.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant