Chapitre 3.

35 4 0
                                    

_ Je ne pensais pas te revoir ici, avoue Jai en m'embrassant.

_ Et bien, je suis là. Je te l'ai dit, on ne se débarrasse pas de moi comme ça. Profitons-en, c'est nos dernières heures ici.

Il a son sourire en coin qui me fait craquer. Derrière les stores, la lumière est grise. Bientôt, il faudra faire nos sacs avec le minimum à emporter, mais pour le moment, je veux profiter de chaque seconde avec Jai. Je retrouve cette chaleur entre nous, le contact électrisant de sa peau contre la mienne, toutes ces sensations dont on a voulu me priver.

_ Le retour de l'avaleuse ! Crie Théodore en tapant du poing sur la table.

Je lui envoie le mien dans l'épaule en riant tandis que Jay me serre contre lui, chose qu'il n'avait pas fait hier soir, peut-être parce qu'il pensait que j'allais me briser entre ses mains. En tout cas, lui, a une vilaine blessure au visage, et je ne peux m'empêcher de grimacer. Lola donne le biberon à son fils tout en mangeant de l'autre main - j'ai toujours admiré le courage des mères. C'est la première fois que je vois son bébé, et j'en suis plus émue que je ne l'aurais cru, c'est à lui que j'ai pensé quand je me faisais frapper. C'est pour lui que j'ai accepté de mourir.

Pour un bébé que je ne connaissais même pas.

_ Tu as survécu à une balle dans le ventre, un incendie, une balle dans l'épaule et une semaine de torture... ET AU SÉRUM LÉTAL ! T'es un genre de superwoman, hein ?

_ Théoriquement, je n'ai pas résisté au sérum, dis-je avec un sourire en coin. J'étais bien partie pour crever si vous ne m'aviez pas sauvé à temps.

_ Pour moi, tu es super-Tris. Bon, faut que j'aille faire mes affaires. Je me prosternerai à tes pieds la prochaine fois qu'on se verra aux States !

Je ricane. Jai, à côté de moi, est dépité. J'ai très bien vu le regard assassin qu'il a lancé à Théodore quand celui-ci a évoqué le sérum létal, mais je préfère qu'on en parle, et même qu'on en rigole, plutôt que de mettre une censure dessus. Je suis en vie, pas morte.

_ Ce mec ne s'arrête jamais, soupiré-je avec un élan de tendresse.

De retour dans l'appartement, je passe chaque pièce en revue, pas pour chercher des micros ou des caméras, comme avant, mais pour décider de ce que je dois emmener ou laisser. C'est dur, même si les objets sont futiles, ça fait mal de devoir s'en séparer. Ils font partie de ma vie, de mon histoire, de mon premier appartement. Je ne me suis jamais pensé matérialiste, mais ces petites choses sont une partie de ma vie.

Et cette fresque sur le mur du salon, faite par Jai, qui me dit que je la reverrai un jour ?

Je range quelques photos dans un livre, précieusement, parce que c'est maintenant le seul moyen pour moi de me rappeler des traits de mes proches. Et ma famille Fraternelle, quand partiront-ils ? La dernière fois qu'ils m'ont vu, j'étais dans le coma. Comme retrouvailles, on fait mieux. Je suis en train de fourrer quelques vêtements dans mon sac quand un avion passe dans un bruit assourdissant ; un de ces avions militaires que tu vois cent mètres plus loin que le bruit. J'ai le coeur qui se serre.

_ Ce n'est pas des bombardiers, ne t'en fais pas, murmure Jai. Les radars se seraient mis à sonner pour une alerte.

_ Ok.

_ Je trouve ça complètement dingue de devoir partir... Qui nous dit que ce n'est pas dans le même état, là où on va ?

Je le regarde en coin tandis qu'il met son appareil photo dans son sac.

_ On peut soit tenter notre chance ailleurs, ou soit mourir ici sous les bombes. Je ne sais pas toi, mais moi, je n'ai pas envie de voir mon pays partir en cendres, ni voir la tour Eiffel tomber. On ne peut pas se défendre contre des bombes, encore moins des atomiques ou des nucléaires.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant