Chapitre 8.

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_ Va te faire foutre, Théodore, je ne veux pas prendre un bain avec toi !

Il ne m'écoute pas, et claque la porte de la salle de bains très fort derrière nous, nous enfermant tout deux dans la salle déjà embuée. Je le regarde, les sourcils froncés d'incompréhension, tandis qu'il pose un doigt sur ses lèvres.

_ Mets la radio à fond.

Je hoche la tête en comprenant finalement où il veut en venir, tripote les boutons de la radio dans la douche et une musique rap hurle soudainement dans la petite pièce carrelée. Je me bouche les oreilles et retourne vers Théodore, appuyé contre l'évier, le regard las. Je ne sais pas par quoi commencer, ni quoi dire, abattu par le poids de ce qu'on a appris ces deux derniers jours. Certaines pièces du puzzle se sont assemblées mais beaucoup restent vacantes, ce qui pose problème.

_ S'ils utilisent leur sérum épidémique, ça va finir en pandémie. Ça va être un foutu carnage, Tris ! Les gens vont tomber comme des mouches !

Je m'affale contre le mur en me tirant les cheveux, tiraillé entre ma conscience et mon coeur. Que dois-je faire ? Ma conscience me dit de me taire, et mon coeur m'implore d'aller dans l'hôtel du président pour l'égorger. Pourquoi assassinerait-il des gens de cette manière ? Son propre peuple ? La moitié de la population mondiale a déjà succombée ! Chaque jour, les informations nous apprenent qu'un pays de plus a été la cible des propriétaires de bombes.

Quand je relève la tête, la buée dans la pièce est telle que mon binôme n'est plus qu'une silhouette.

_ Tu peux contacter les autres, au Complexe ?

_ Je ne peux pas leur dire ça par téléphone, Tris, on est très probablement sous écoute.

_ Alors, tu sais ce qu'il nous reste à faire, dis-je avec le cœur lourd de résolution.

Il hoche gravement la tête. Le silence se fait et il arrête l'eau de la baignoire, puis la radio. Il essuie d'un revers de main la buée sur le miroir pour se contempler quelques secondes. J'ouvre la porte, ma peau picotant à cause de l'écart de température et d'humidité.

_ Un tour au Millenium Park, ça te dit ?

Nous nous mettons en route en prenant le train en hauteur, et encore une fois, l'absence de monde me choque. Chicago doit contenir le double de la population de Paris, alors pourquoi n'y a-t-il qu'une dizaine de personnes dans le train, un matin en heure de pointe ? Le Millenium Park est aussi désert que les rues, mais je suppose qu'il doit y avoir plus de monde quand il fait chaud. Nous nous arrêtons devant une grande sculpture en forme de haricot et je m'assieds après avoir constaté notre solitude.

_ Comment va-t-on faire ?

Je ne sais pas d'où me vient ce plan, mais comme la nuit où j'ai assassiné le médecin du Labo et son larbin, ou encore la fois où j'ai sauvé les autres GD, je me sens mené par une autre force. Une autre facette de moi, plus sombre, plus froide, plus calculatrice.

Destructrice et mortelle.

_ On part ce soir, le président a un vol dans trois heures. On doit l'accompagner jusqu'à O'Hare. Je te propose qu'un de nous s'éclipse un moment sous un prétexte bidon, et qu'il tire en l'air, juste pour provoquer la panique dans la foule. Les gardes du corps prennent le relais pour la sécurité, le premier tire toujours, quitte à viser les mecs, et l'autre tue le président.

Il ricane.

_ C'est un plan débile, Tris. On n'est pas dans une série télévisée !

_ Tu as mieux ? Riposté-je, piqué au vif.

_ Non.

_ De toute façon, les plans ne fonctionnent jamais. Qui ne tente rien n'a rien.

_ Et si on se fait choper ?

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant