Chapitre 14.

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Les réverbères projettent nos ombres sur le trottoir et les murs et les seuls bruits proviennent de nos pas. Je garde mon fusil à la main, pour me rassurer, regardant le ciel pour apercevoir le fil épais de la tyrolienne, sans succès. Je n'ai pas eu le temps d'y retourner et Néo, un gars de ma promo, commence à vraiment insister pour que je l'emmène - depuis qu'il a fini la formation, il est couvert de tatouages, dont la plupart sont des putains de poissons rouges. Il est bizarre, parfois. J'évite de trop le fréquenter, mais il semble croire que je suis sa meilleure amie alors que j'ai posé les limites depuis le début.

Liam essaie de trouver la solution pour finir son Rubik's Cube, sans prêter la moindre attention à ce qui se passe aux alentours, il compte sur moi pour le guider, et je sais qu'il est là grâce à ses grognements de dépit. Ça fait des jours qu'il est dessus. C'est un acharné, et ça me fait rire de le voir galérer. Il a même tenté d'inverser les autocollants pour faire semblant.

_ Rappelle moi de prendre un pull demain, dit-il en claquant des dents.

Je confirme. Les nuits sont de plus en plus froides, et la plupart du temps, nous sommes sous nos k-way, à cause de la pluie froide - l'hiver est là. Cela fait bientôt quatre mois que, cinq à six fois par semaine et douze heures par jour, nous faisons le même trajet, encore et encore.

Aujourd'hui par chance, il ne pleut pas, mais il y a du brouillard, et nous finissons notre service dans une heure. Je commence à bailler et mes paupières me brulent, difficile de rester éveillé ou en mouvement, je prends donc un instant pour contempler la lune à son premier quartier, brillante. Quelques étoiles brillent et je me surprends à penser que ma mère est l'une d'elle. Son décès m'a complètement pris au dépourvu, il y a deux mois. C'est mon ancien instructeur qui est venu me l'annoncer, il avait eu mon père au téléphone.

J'ai assisté à l'enterrement avec ma tenue noire et mon fusil à l'épaule. C'était insoutenable, chaque seconde pire que la précédente. Mes sept frères et soeurs étaient là, vêtus de la tenue orange et jaune de leur paisible faction.

Le retour en métro a été insupportable, et à mon retour, j'ai pris trois gardes de suite, accumulant la fatigue pour ne pas penser. C'est Jai qui est venu me forcer à aller me coucher, au bout de trente-six heures. Je me suis laissé guider comme une gamine.

_ ...refusent d'entendre raison...

_ Le problème, ce n'est pas les factions, les jeunes s'y plaisent. Le problème, c'est ceux qui refusent de s'intégrer.

_ Ils menacent le système, j'ai trente gardes en permanence dans les secteurs, je ne sais pas quoi répondre à leurs questions.

_ Débrouillez-vous, on n'a pas besoin d'une guerre civile !

Je regarde Liam, complètement désorientée et les yeux pleins d'interrogations ; il me rend un regard lourd de sens. Nous repartons en sens inverse sur la pointe des pieds. On ne peut pas parler librement ici, à cause des caméras, et pour le moment, je suis trop fatiguée pour examiner ce que je viens d'entendre. Le jour se lève à peine, la garde de jour est arrivée en retard, et j'ai vraiment besoin de dormir.

J'embrasse le brun sur la joue. Il s'en va et disparait à l'angle du couloir, je referme la porte du dortoir doucement. Matt et Sacha dorment encore, alors j'enfile un simple t-shirt comme pyjama et m'écroule.

J'ai l'impression d'avoir à peine fermé les yeux quand quelqu'un me secoue l'épaule. Je sursaute en découvrant le visage de Liam si près du mien. Il éclate de rire tandis que je le fusille du regard, puis regarde l'heure. Horreur ! Nous prenons notre service dans dix minutes, je suis en pyjama et il faut vingt minutes pour rejoindre notre secteur !

_ Calmos, on prend qu'à dix-neuf heures trente aujourd'hui, à cause de ce matin.

Je retombe sur mon oreiller, une main sur le coeur. J'ai dormi sans interruption pendant presque onze heures et je suis toujours fatiguée. Je chasse Liam d'une mouvement de main, pour que je puisse m'habiller, mais il secoue la tête. Je lui connais cet air. Ce genre d'air provocateur qu'il a depuis qu'il sait que je fréquente Jai. Je crois qu'il m'aime plus que bien, mais je le lui ai dit, pour éviter de mettre en péril notre amitié si précieuse à mes yeux. Je n'ai que très peu de gens qui comptent pour moi.

D'un haussement de sourcils, je le mets à l'épreuve de dévoiler ce qu'il a en tête.

Ce qu'il ne tarde pas à faire.

_ N'y pense même pas, sale pervers ! Casse-toi de mon dortoir et laisse-moi m'habiller.

Il lâche ma main et fait semblant d'être blessé, je ricane à mon tour et lui claque la cuisse au moment où il descend.

_ Je serai dans l'obligation de vous punir pour votre insolence, Isaacs ! Gronde-t-il.

_ C'est ça... va garer ton cul ailleurs, Coben, ricané-je en me levant.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant