Chapitre 25.

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_ C'est cool chez vous ! C'est toi qui a peint le symbole, Tris ?

_ Non, c'est Jai.

Hazel touche la peinture violette du bout des doigts, comme si elle voulait sentir la chaleur des flammes. Elle est entrée avec Theo et Lincoln, puisque Jai est en patrouille. Il s'est proposé et a refusé que je l'accompagne, sûrement parce qu'il ne voulait pas se souvenir de la dernière nuit de patrouille avant ma mort.

_ Vous pouvez dormir ici cette nuit, si vous voulez, au lieu de partager les dortoirs. On a une deuxième chambre, un peu petite, mais il y a deux lits superposés. On a la canapé, aussi.

Ils s'installent à la table et sur le canapé tandis que je vais à la cuisine avec Hazel, qui déborde d'inventivité pour faire un repas digne de ce nom avec quelques boites de conserves. Je branche le frigo et dépoussière les meubles, la table, les cadres photos. En fait, presque personne n'est venu dans cet appartement, hormis Luna et Jay, et ça me mets mal à l'aise. Dans la salle de bains, les produits que nous avons laissés sont toujours à la même place, et un t-shirt de Jai traine même sur le porte-serviette près de l'évier.

_ Bon, qui a sommeil ? Dit Lincoln.

Je réponds par un bâillement exagéré, ce qui le fait rire, mais je suis interloquée par sa question, alors ma fatigue s'évapore d'un coup. Les autres se sont eux aussi redressés.

_ Je sais que c'est con, mais ça vous dit un peu d'exploration en ville ? Pour disons... Faire des réserves de nourritures ?

_ On appelle ça du pillage, Lincoln. Et ça fait bientôt cinq mois - si ça n'a pas été bombardé ou déjà pillé, il ne restera que les produits secs.

_ C'est déjà ça, répond-il en haussant les épaules. On est un peu plus de deux mille trois cents à être revenus. Les provisions vont vite partir et les champs des Fraternels ne seront pas opérationnels avant cet été.

J'enfile ma veste et prends mon arme avant de sortir. Il n'a pas tort, le pillage va commencer, par instinct de survie, comme nous l'avons fait pendant notre voyage. Aucune lumière n'éclaire la ville, nous devons donc nous fier à nos fidèles losanges jaunes et aux bruits des autres. L'avenue que nous traversons est remplie de blocs énormes ou de gravats ou encore de verre. Mon sac remplis me tape dans le dos à chaque pas.

_ On partage avec les autres ?

_ Non ! On va les stocker chez Jai et Tris, on en donnera qu'à nos proches. Pour le moment, je pense qu'il vaut mieux avoir des réserves. Juste au cas où...

_ Ça me fait chaud au coeur de voir tant d'altruisme en vous, dis-je.

_ Nous aussi, on t'aime, dit Lincoln.

Je roule des yeux, amusée.

_ Mon cul, ouais, c'est juste parce que tu vas te servir de chez moi comme d'une caverne !

_ Aussi, oui.

Ils ricanent tous, et la nuit est déjà bien avancée quand nous rentrons à la Flèche, seules lumières dans l'horizon proche. Pas grand-monde est retourné à son appartement, ils préfèrent tous la sécurité des souterrains. Je ne pense pas qu'on ait à craindre d'autres bombardements ; il ne doit plus y avoir beaucoup de figurants pour la guerre. Quel pays survit encore ?

Jai est déjà rentré et ronfle sous la couverture, et je regarde Hazel, Theo et Lincoln s'installer dans la chambre d'à côté avant d'aller me coucher. Je n'ai que quatre heures avant d'affronter les travaux de force dans le froid.

_ Debout, feignasse !

Je sursaute et tombe presque du lit. Jai ricane et s'essuie les cheveux, humides de sa douche. Je lui balance mon oreiller avant de m'enfermer dans la salle de bains, d'humeur massacrante, épuisée. Avant, j'avais le réflexe de ne pas dormir quand j'avais si peu de sommeil devant moi, mais avec les patrouilles, je l'ai perdu.

Déficients [TOME 1 & 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant