Polochon

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Polochon allait surement se sentir seul ici. Il allait passer sa journée à déambuler dans la maison, à s'ennuyer à mourir. Mais Coton avait raison : l'emmener à l'école une fois de plus était mauvais, la dernière fois, Papa n'avait pas vraiment aimé. Je décidai malgré tout de suivre Poison. Je ne pouvais pas laisser mon meilleur ami seul ici, et puis, il était déjà venu une fois, il savait sûrement ce qu'il fallait faire désormais et éviterait de refaire les mêmes bêtises. Et, si tout se passait comme prévu, Papa ne se rendrait compte de rien !

Je mis mon sac sur mon dos et quittai la maison, emportant ma boule de poil avec moi.

Je marchais, la tête haute, en direction de l'école. Les rires de mes camarades de classe se rapprochaient. Avais-je fait le bon choix ? Polochon allait peut être faire des bêtises, ici... Je franchis la grille et tombai nez à nez avec Bruce, ce qui effaça immédiatement Polochon de mes préoccupations.

Bruce était le garçon le plus costaud de la classe. Il passait son temps à rire des autres, surtout de moi, et j'ignore pourquoi. Il mangeait une tartine à la confiture : avait-il déjà piqué le gouter d'un des élèves ? Il devait en voler de plus en plus : ces derniers temps, il avait tendance à s'engraisser. Du haut de ses 1m30, il me regardait en riant, me crachant des miettes au visage.

« Alors, Némo ? T'as emmené ton p'tit animaux ?

- Animal, on dit animal, répondis-je tout en essuyant les miettes qu'il venait de cracher sur mon front.

- Je m'en fiche, je dis animaux si je veux. Je parie que tu l'as encore caché dans ton cartable ! »

Je reculais, serrant les bretelles de mon sac. Je ne voulais pas que Bruce et ses amis sans cervelles découvrent Polochon. Je devais tout faire pour éviter cela, éviter tout soupçon.

« Eh bien, tu joues la mauviette ? Laisse-moi regarder ton sac.

- Je l'ai pas, mon chat, mentai-je, sentant le mur de la cour se rapprocher de mon dos.

- T'en es sûr ? Laisse-moi vérifier..., pesta-t'il tout en s'approchant d'avantage.

- Non, lâche-moi ! paniquai-je.

- Enfin ! Si tu n'as rien à te reprocher, laisse-moi voir ! »

Deux de ses acolytes me saisirent par les bras et me plaquèrent face contre le mur, laissant Bruce fouiller mon cartable en toute liberté. Je me débattais, mais mes muscles étaient encore si fragiles, je ne faisais pas le poids. Pris de panique, j'avouai, la voix tremblotante :

« Oui ! Oui, je l'ai pris ! Mais s'il te plaît laisse-le là où il est, il t'a rien fait de mal !

- Ah bah voilà, tu vois ?! C'était pas si difficile ! Et t'as emmené quoi d'autres ? Tes couches et ta tétine ? »

Ils éclatèrent de rire. Face à mon silence, Bruce ouvrit mon sac et y extirpa Polochon. Je le suppliais de le lâcher, au bord des larmes, mais il continuait de l'agiter dans tous les sens sous mes yeux. Voir mon chaton miauler de douleur me bouleversait, retenu par les deux acolytes de Bruce, j'étais impuissant. Bruce riait bêtement, sans se rendre compte que l'animal qu'il tenait commençait à s'énerver. D'un seul coup, le chat se retourna et griffa tout l'avant-bras de son agresseur avant de s'enfuir, en fêlant. Alors que des gouttes de sangs commençaient à s'échapper de sa blessure, Bruce me lança un regard menaçant au travers duquel je pus parfaitement lire « Toi et ta bête sauvage, je vous ferai la peau. ». Sans un mot, il quitta les lieux, suivis de ses deux amis qui lui servaient de chiens.

Je m'assis dans un coin, à l'écart. Replié sur moi-même, je fixais le lacet de ma chaussure gauche, qui était défait. Je ne voulais qu'une chose : être à la maison et manger un croissant avec Polochon ronronnant sur mes genoux. Je n'aimais pas l'école, pas du tout. Bruce y était pour quelque chose, ça, c'était certain, mais je n'aimais pas l'école. Je ne l'aimais pas, elle et sa cour immense remplie d'enfants différents de moi.

J'ouvris mon sac pour vérifier que Bruce ne m'avait rien pris d'autres. Rien n'avait disparu, il avait même laissé sa touche personnelle : parmi les poils de chats se trouvaient des miettes de pains recouvertes de confiture couleur rouge sang.

« Coucou toi ! »

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Suite : Comme le poisson-chat

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