Egoïste

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« Némo ! Némo ! »

Dory hurlait mon nom, emportée par les vagues, et je me tenais là, impuissant, à la regarder par la fenêtre de ma chambre. Elle criait à plein poumons, sa voix se brisant de plus en plus à chaque appel, mais je ne pouvais rien faire. Et chacun de ses cris me glaçait le sang, me communiquant la peur panique qu'elle ressentait à l'instant même. Je ne pouvais tenir plus longtemps : j'ouvris ma fenêtre puis l'océan et les cris s'engouffrèrent dans la pièce, m'emportant avec eux.

Je me réveillai, en sueur, haletant et tremblant de peur. Je toussais, n'arrivant pas à me défaire de cette impression d'avoir bu la tasse, tandis que ses cris stridents continuaient de résonner dans ma tête. J'avais pensé à Dory toute la nuit, même dans mes cauchemars. Avais-je fait le bon choix en restant ici sans lui demander ce qu'il se passait ?

Il était 06h23 du matin, et même si j'étais en week-end, je ne voulais pas me recoucher, au risque de de nouveau faire des cauchemars terrifiants. De toute manière, même si je le voulais, je n'aurai pas pu, mon corps avait eu une dose de stress assez élevée pour le maintenir en activité pour toute une journée. Je commençai donc ma routine matinale avec en premier mon petit déjeuner. Je mangeais mon croissant lentement, en prenant mon temps, quand Polochon s'installa sur mes genoux et ronronna. Voilà ce qui me suffisait pour me combler, plus petit : un chat et un croissant. Pourquoi mes désirs n'étaient plus aussi simples que cela ? Je poursuivais mes habitudes du matin avec ma douche et ma chambre. Je fis mon lit en deux temps trois mouvements et ouvris les volets de ma fenêtre.

Je vis ce que je ne voulais pas voir. Je sortis à toute vitesse de chez moi, claquant la porte derrière moi, et me tenais là, juste devant, n'en croyant pas mes yeux. Leur voiture n'était plus là. Leur nom avait disparu de leur boîte aux lettres.

Ils étaient partis. Dory était partie.

Elle n'était plus là. C'était fini. Je sombrais dans des pensées noires : Peut-être était-elle encore là à l'heure où je dormais ou à l'heure où je me douchais ? Pourquoi ne l'avais-je pas empêché de partir ? Pourquoi ne l'avais-je pas emmenée chez moi hier soir ? Elle serait restée, peut-être qu'une nuit de plus, mais elle aurait été encore là, avec moi.

« T'es fière de toi ?! T'es fière de toi, Poison ?! Eh bien j'espère pour toi, parce que regarde, regarde ce que je vais devenir, je vais devenir comme cette « maison » : VIDE ! pestai-je, seul.

- Tu ne peux t'en vouloir qu'à toi-même tu sais, c'est toi qui a décidé de me suivre, je ne t'ai forcé en rien, j'ai dit ce que je pensais.

- Tu le savais... Tu le savais, qu'elle allait partir, hein ?! continuai-je, hors de moi.

- Némo, je fais partie de ta conscience, je m'occupe de toi et seulement de toi. Tu venais de te faire tabasser, je te rappelle ! J'ai fait que de prendre soin de toi, et Coton était d'accord avec moi sur ce point : tu devais te reposer !

- T'es qu'une sale égoïste, crachai-je, la voix emplie de haine.

- L'égoïste, c'est toi. Je suis dans ta tête mon petit gars. »

Le vent se mit à souffler un grand coup et je remarquai une feuille s'échapper de sous mes pieds. Je courrai à sa suite pour la récupérer. Le papier se retrouva plaqué contre un réverbère duquel je le pris. Sur la feuille était écrit d'une écriture que je pouvais reconnaître entre milles « Désolée. ». C'était son écriture. Elle l'avait déposée sur le paillasson et je n'y avais même pas prêté attention. Je retournai le papier :

« Mes parents m'ont réveillé en vitesse ce matin, on a dû partir à la hâte. Je ne sais pas exactement pourquoi on part, je ne crois pas que ce soit spécialement pour me faire plaisir : s'ils le voulaient, on serait resté pour que nous soyons ensembles. La seule chose que je sais, c'est qu'on part à Toulon...

Visite une dernière fois mon bocal tant qu'il n'y a personne : ma fenêtre est ouverte et j'ai laissé quelque chose pour toi, enfin, je dis ça, mais peut-être que tu l'as déjà vu ?

A la prochaine ? Dory. »

Je retournai sur le pas de ma porte, là où était censée se trouver la lettre. Je levai les yeux pour regarder sa chambre puis ses rideaux se mirent à flotter au dehors, emportés par le vent. Le vent les tirait au dehors mais ils restaient ancré ici : Dory avait été emmenée par ses parents mais une partie d'elle restera ici à jamais. Au travers d'un des rideaux, je crus voir une silhouette. Je grimpai agilement le bocal vide et atteignit la fenêtre. J'écartai les rideaux de mon passage en un coup de bras et tombai sur sa surprise, qui me brisa le cœur.

Elle avait laissé sa peluche poisson clown accompagnée de celle du poisson chirurgien que je lui avais offert auparavant côte à côte : c'était nous. Je les pris dans mes bras et, le cœur lourd, me promis d'un jour les lui ramener.

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Suite : Poisson chirurgien

Bocal BancalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant