Au-delà de la mer

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Je retournai chez moi et m'assis sur mon lit, face à ma fenêtre. Je n'allais plus contempler cette maison de la même façon maintenant qu'elle n'était plus là. Les rideaux continuaient de s'agiter sous l'emprise du vent, ce qui me permettait de voir ce qu'il restait de sa chambre : un papier peint empli de dauphins. Au fond de moi, j'attendais qu'une paire de couettes brunes défile ou qu'un visage apparaisse et me sourisse avant de retourner dans ses livres. Mais rien, seuls des dauphins. J'imaginais mon avenir différemment, du moins j'essayais ; comment envisager mon futur sans la personne avec qui j'avais passé le plus clair de mon temps ?

Je l'imaginais dans sa voiture avec ses parents. Ils se disputaient, comme toujours, tandis qu'elle restait à l'arrière, le regard perdu au-delà de la mer. Puis des visions de mon cauchemar refirent surface : de la terreur, des cris, des vagues. Je serrai les dernières traces de notre amitié contre moi, essayant d'étouffer cette boule au ventre qui me tuait de l'intérieur. Le grincement de ma porte me fit sursauter et je me tournai brusquement vers la direction de celle-ci. Il afficha une mine surprise :

« Oh ! Pardon. »

C'était mon père, pourquoi est-ce que j'avais sursauté comme ça ? Ca ne pouvait être personne d'autre, de toute façon. Il reprit :

« Qu'est-ce qu'il se passe dis-moi ? »

Je me retins d'afficher mon étonnement lorsque je l'entendis dire ces mots sur ce ton. Il était doux et sa voix était teintée d'inquiétude. Il fallait croire qu'il commençait à assumer son rôle de père avec moi, il était temps !

« Je suis pas sourd tu sais, je t'ai entendu partir de la maison en courant ce matin... »

Alors que je me contrôlais pour avoir l'air le plus neutre possible, à l'intérieur de moi, j'hallucinais. Il faisait attention à ce que je faisais ? D'habitude, il en avait rien à foutre de moi et voilà qu'il jouait le père inquiet. Je serrai d'avantage les peluches contre moi et continuais de regarder la maison vide, ne pas le regarder, ne pas le regarder... Dory, pourquoi m'as-tu laissé seul avec lui ? Il suivit la direction de mon regard et reprit :

« C'est Dory c'est ça ? »

Je fermai les yeux et soupirai longuement. Entendre son nom réveillait une tempête de souvenirs.

« Hum, continua mon père. Tu peux essayer de me cacher ce que tu veux mais on ne peut rien cacher à son père...

- Tu le savais ? finis-je par demander. Tu le savais qu'elle allait partir ?

- Oui. »

Sa réponse me coupa net. Ce simple « oui », tranchant, enfonçait le couteau dans la plaie. Il le savait, il le savait et il ne m'avait rien dit : il était parti manger paisiblement. Un père inquiet ? Non, tu parles, un père qu'avait des remords. Ou alors un père qui voulait rendre les choses encore plus difficiles, mais certainement pas un père inquiet. Et qu'est-ce qui prouvait qu'il disait la vérité ? Rien ! Ces idées noires tournaient en rond dans ma tête alors qu'il restait assis à côté de moi à regarder le bocal vide. Sa présence devenait pour moi de plus en plus insoutenable.

« T'es sûr que ça va ? demanda-t-il, toujours avec son petit air soucieux insupportable.

- Oui, ça va, c'est pas grave... Tu peux partir, s'il te plaît ? répondis-je froidement. »

Mon père se dirigea vers la porte, se retourna et déclara avant de sortir :

« Je suis là, si tu as besoin. »

La porte se ferma. Il aimait avoir le dernier mot. Seul ce petit détail habituel chez lui me permettait d'affirmer qu'il s'agissait bien de mon père. Son comportement me paraissait si étrange, j'avais presque lu de la tendresse dans ses mots, mais s'il était si inquiet que ça pour moi pourquoi ne m'avait-il pas prévenu avant ? Il semblait si bien me connaître, alors que moi, de mon côté, la seule chose que je pouvais affirmer était qu'il était mon père. Et encore. Je ne savais rien de mes parents et ça en devenait effrayant...

Je mourais d'envie de reprendre la conversation et lui demander, pour Dory. Il avait l'air assez ouvert et ça n'allait pas durer éternellement – malheureusement. Mais d'un autre côté, il n'en avait peut-être pas l'envie, et s'aventurer là-dedans était dangereux.

« Némo ? Désolée de t'interrompre dans ta réflexion, mais tu devrais aller le lui demander, l'occasion ne se représentera peut-être pas.

- Attends, quoi ?! s'indigna Poison. Tu veux aller lui parler ? A LUI ?! Tu déconnes j'espère ? Tu connais bien ton père, tu crois vraiment qu'il va se laisser faire et te répondre comme ça en un claquement de doigts ? T'es bien naïf. Enfin... vas-y, je t'en prie, va le voir, mais dans ce cas ce sera pas moi qui te tendra le mouchoir. »

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Qui suivre : Coton ou Poison ?

Coton : Bière & Confession

Poison : Raz-de-marée

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