Poisson clown

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Ca faisait longtemps que je n'étais pas retourné ici, au parc. Encore une fois, c'était Dory qui m'avait fait prendre goût à celui-ci. Avant, je n'y passais que de temps en temps, à vélo, et en vitesse, de peur de croiser ce fameux Bruce. Je me demande ce qu'il est devenu, celui-là. Ce n'était seulement qu'en compagnie de Dory que j'osais m'y poser, y respirer l'air frais ambiant. Quiconque entrait dans ce parc ressortait l'esprit vidé de tout soucis. En été, nous aimions nous retrouver sur une table de pique-nique, faire nos devoirs plus ou moins bien tout en mangeant des biscuits chocolatés. J'aimais bien ces moments simples. A l'époque, se voir ne relevait pas d'un évènement. C'était normal. Ça faisait partie de notre quotidien, à tous les deux.

« Quoi ?! Tu n'es jamais allé au parc ?! »

Je me rappelle de son visage choqué et de son agitation, témoin de son exaspération. Elle tirait sur ses couettes en sautant dans tous les sens, n'en revenant toujours pas. Elle finit par se calmer, souffler un bon coup. Elle posa sa main sur mon épaule, regarda droit dans mes yeux et me dit d'un faux air compatissant :

« Vraiment Némo, heureusement que je suis là pour te faire découvrir la vie ! »

Elle rit devant ma mine boudeuse. Elle exagérait, quand même. Dory voulait absolument voir Polochon jouer dans l'herbe là-bas, elle disait que les chats avaient l'air un million de fois plus adorables dans l'herbe. J'en doutais, mais j'allais lui faire plaisir. Et puis, ça allait lui plaire à lui aussi.

Elle m'attendait assise dans l'herbe, à arracher quelques touffes pour faire passer le temps. Lorsqu'elle me vit débarquer avec Polochon – encore chaton à l'époque – elle se leva précipitamment pour le prendre dans ses bras et le câliner. Le petit se mit à ronronner, pour le plus grand bonheur de Dory. Elle le posa sur le sol, et, alors qu'il reniflait les brins verts inconnus qui l'entouraient, je réalisai que Dory avait raison en disant qu'ils étaient encore plus mignons dans l'herbe.

« Tu vois, je te l'avais dit, déclara-t-elle rieuse. »

Elle m'avait vu sourire comme un idiot devant Polochon. Elle reprit la petite boule de poil noire et la posa devant le lac. Nous nous assîmes et regardâmes les poissons de milles couleurs s'animer sous nos yeux ébahis. Alors que Dory trempait son doigt pour effleurer leurs écailles, je caressais Polochon pour qu'il se retienne de se jeter à l'eau pour les attraper. Quand elle sortit son index de l'eau, je la vis avec une mine triste.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je suis déçue. »

Déçue ? Ce parc était splendide, et elle m'avait dit qu'elle le connaissait bien. Qu'est-ce qui pouvait bien la décevoir à ce point ? Elle sourit en me voyant désemparé et reprit :

« Je suis déçue, il n'y a même pas de poisson clowns. »

Elle baissa les yeux vers son t-shirt préféré avec le fameux poisson dessus, celui qu'elle portait le jour où elle était venue me parler pour la première fois, avec une petite moue.

« Peut-être la prochaine fois ? demandai-je pour la réconforter.

- Oui, peut-être ! répondit-elle, plus enthousiaste. »

C'est ainsi que nous nous y rendions tous les week-ends, attendions devant le lac dans l'espoir d'en voir un, jusqu'au jour où l'on apprit que les poissons clowns ne vivaient pas dans les lacs.

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Suite : Ne t'inquiète plus

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