Au gré du vent

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« Némo, qu'est-ce qu'on fait ?! répéta Gary, perdu. »

Toute personne censée se serait arrêtée. Mais je décidais de foncer : j'attendais ce jour depuis deux ans, rien ni personne ne m'empêcherait d'aller à Toulon.

« On s'arrête ? demanda Gary alors que nous nous rapprochions dangereusement du policier.

- Non, on fonce ! »

Je m'agrippai fermement à l'arrière du scooter, puis le moteur gronda de toutes ses forces. Gary se pencha sur le guidon pour laisser le vent glisser sur son dos, et ainsi ne pas nous ralentir dans notre course. Nous passâmes devant le policier à toute vitesse. Au travers du vrombissement de notre engin, j'entendis le policier nous hurler de nous arrêter. Une fois passés devant lui nous éclatâmes de rire, la pression pesant sur nous s'étant envolée. Mais la sirène du véhicule de police s'enclencha et interrompit notre fou rire. Je me retournai et vis la voiture bleue et blanche s'approcher dangereusement.

« Gary ! Il nous suit ! m'écriai-je. »

Il se retourna et déglutit. Tout reposait sur ses épaules désormais. Il tourna la poignée de toutes ses forces, pour aller le plus vite possible. Le bruit du moteur se faisait insupportable. Les arbres défilaient à une vitesse hallucinante, si bien qu'ils en perdaient leur forme initiale, ne devenant que des ombres, des silhouettes passagères. Nous maintenions le policier à distance, mais pour combien de temps ? Cette situation me rappela la course poursuite avec Bruce et malheureusement pour moi ce jour-là, elle avait mal finie. L'histoire allait-elle se répéter ? J'angoissais à cette idée et enchaînai les coups d'œil vers l'arrière pour vérifier la position du policier : je ne risquais rien cette fois-ci.

« Si on continue à foncer comme ça, on ira jamais jusque Toulon, déclara Gary, désolé. Je sens que le moteur faiblit déjà. »

Il avait raison : le scooter ralentissait peu à peu sans que l'on puisse faire quoi que ce soit. Le policier en profitait pour se rapprocher de nous. Non, ça n'allait pas se passer comme ça, pas une deuxième fois. Je regardais autour de moi, à la recherche d'une solution. Sur l'autoroute au milieu des champs, il n'y en avait pas des masses. Au fur et à mesure que nous avancions, je vis au loin que nous allions traverser un pont au-dessus d'un fleuve à l'allure calme. C'était le seul moyen que nous avions pour nous échapper, mais le pont restait assez éloigné.

« Gary, tu crois qu'on peut le faire jusqu'au pont là-bas ?

- Je pense, oui, répondit-il pourtant peu sûr de lui. T'as un plan ?

- On va jusque là-bas, tu te rapproches du bord, et on saute.

- Quoi ?! s'indigna-t-il.

- T'as une autre solution ? répliquai-je agacé. »

Il ne répondit pas. J'en conclus qu'il n'en avait pas, et qu'il allait me suivre dans mon idée, aussi insensée et stupide soit elle. Alors que le pont ne se trouvait plus qu'à quelques mètres, la voiture de police se trouvait à notre niveau. Le policier ouvrit sa fenêtre et nous ordonna de nous arrêter à plusieurs reprises alors que nous faisions mine de ne rien entendre. Il sortit un flingue et nous pointa avec, répétant son ordre. Nous étions assez proches du bord du pont, je me penchai pour voir le fleuve. Il y avait du courant, mais il n'était pas trop violent, et l'eau était sale : on ne voyait rien au travers, impossible de savoir ce qu'il s'y trouvait.

« Ne m'y obligez pas ! menaça le policier, se persuadant lui-même qu'il en était capable.

- Maintenant ! criai-je à mon ami. »

Sans réfléchir, nous sautions du scooter par-dessus le pont. Le scooter s'écrasa sur le sol, des étincelles se formant avec les frottements du sol sur le métal. La chute dura quelques secondes, qui me parurent interminables, puis nous atterrîmes violemment dans le fleuve. L'eau crasseuse s'incrusta dans nos casques et brouilla notre vue, mais nous réussîmes à remonter à la surface malgré tout. Je retirai mon casque et inspirai un grand coup. Nous vîmes le policier pencher sa tête par-dessus bord, descendu de sa voiture. Puis il disparut ; il avait jeté l'éponge. Nous imaginâmes la mine décomposée du policier puis explosâmes de rire : nous avions réussi, et cette fois, aucune sirène n'allait nous empêcher de décompresser.

Restait à savoir comment nous allions rejoindre Toulon sans scooter.

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Suite : Confusion

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