Perle 2

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Nous débordions de joie, et le spectacle que la nature nous offrait était splendide. La douce lumière du matin illuminait son visage ainsi que ses petites tâches de rousseurs parsemées sur son nez et ses pommettes. L'éblouissement qu'elle ressentait à cet instant se projetait dans ses yeux, pétillants de bonheur et d'admiration.

Peut-être me trompai-je ? Peut-être que je ne ressentais que de l'amitié ? Peut-être qu'elle ne le voulait pas ? Je regardais sa main et ses doigts fins s'enfouir délicatement dans le sable encore humide du passage de l'écume. Devais-je la saisir ? J'hésitais. J'inspirai profondément et détournai le regard : je n'allais pas prendre le risque de gâcher cette journée. Je me tournai vers Gary, assis sur un rocher, à l'écart : il fit mine d'être déçu ; il voulait certainement me voir faire le premier pas. Je repris ma contemplation de l'océan. Je sentis Dory se tourner et me regarder avec insistance alors que je me concentrais pour agir comme si de rien n'était. Intriguée, Dory demanda :

« Némo, t'es sûr que ça va ?

- Oui, pourquoi ? répondis-je, surpris de sa question.

- Je sais pas... Tu me regardes bizarrement, j'ai l'impression.

- Ah-ah bon ? sursautai-je, bégayant et rougissant. »

Dory fronça légèrement les sourcils sans me quitter des yeux, elle n'était pas convaincue, pas du tout même. Mais elle refusa d'insister d'avantages, voyant clairement ma gêne. Elle changea de sujet et me demanda tout en me montrant Gary d'un mouvement tête :

« Tu me présentes pas ton ami ? »

Elle n'eut pas à poser la question une deuxième fois : je fis signe à Gary de nous rejoindre sans prendre le temps de lui répondre auparavant. Il quitta son rocher et nous rejoint. Je fis les présentations, puis il serra la main de Dory. Elle rit légèrement et me fit un clin d'œil, l'air de dire « Lui se comporte comme un adulte ! ». Le serrage de main était symbolique pour nous, mais que pour nous, et ça, on avait tendance à l'oublier : ce qui expliquait l'expression d'incompréhension de Gary à cet instant.

Gary et Dory s'entendaient bien et j'en étais ravi. Nous discutâmes et rîmes jusqu'à ce que le soleil soit à son zénith. La plage se remplissait de monde autour de nous sans que nous n'y prenions la moindre attention. La seule chose à laquelle nous portions de l'attention, c'était le discours interminable de Gary sur l'immensité interstellaire, ou le monologue empli de passion de Dory sur le monde sous-marin. Soudain, une voix criant de l'autre côté de la plage nous interrompit :

« Dory ?! Qu'est-ce que tu fabriques ?! Je t'ai cherchée partout ! »

Lorsqu'elle trouva d'où venait la voix, son visage s'illumina. Elle se leva précipitamment et la rejoint. Elle revint vers nous, accompagnée cette fois et déclara :

« Pearl, voici Némo et Gary. Les garçons, je vous présente Pearl.

- Enchantée ! répondit la nouvelle venue. »

Pearl avait la voix chevrotante. Peut-être était-elle intimidée ? Pearl avait un visage rond, quelques mèches blondes et bouclées s'échappaient de son chignon lâche. Ses yeux étaient bleus, comme ceux de Dory mais plus clairs. Ses lèvres pulpeuses s'écartèrent et firent apparaître une dentition presque parfaite, à l'exception de dents du bonheur. Elle m'avait l'air sympathique. Elle devait forcément l'être pour être amie avec Dory.

Après une courte discussion, Pearl se tourna vers Dory et lui demanda d'une voix timide :

« On devrait leur dire, non ? »

Dory me regarda en se pinçant la lèvre. Qu'est-ce qu'il se passait ? Pourquoi me regardait-elle ainsi ? Elle baissa le regard et dessina des petits poissons dans le sable avec le bout de son doigt, évitant le sujet. Pourquoi était-elle si lunatique ? Face au silence de Dory, Pearl s'apprêta à nous expliquer mais fut interrompue :

« Pearl et moi sommes ensembles, coupa Dory avant de la saisir par la main. »

Elle n'avait pas quitté le sable des yeux, comme honteuse. De mon côté, le temps s'était arrêté. Dory aimait les filles. La première fille à qui j'avais parlé de ma vie, ma meilleure amie, aimait les filles. Tous mes espoirs d'aller plus loin avec elle, ne serait-ce qu'essayer, s'effondrèrent. Pearl m'adressa un sourire gêné tandis que Gary me donna une tape sur l'épaule se voulant réconfortante. Je l'entendis murmurer d'une voix presque inaudible « Désolé ». S'excusait-il de m'avoir emmené jusqu'ici ? Je ne savais pas vraiment pourquoi il s'excusait. Je ne savais plus grand-chose : ce que je pensais de Dory ne se révélait pas tout à fait juste. La seule que je comprenais sur le moment était celle que je venais tout juste de rencontrer : Gary s'excusait de rien, et Dory ne cessait de dessiner des tourbillons dans le sable. Un tourbillon. Ses mots avaient créé en moi un tourbillon qui avait emporté toutes mes attentes.

Dory se releva soudainement et déclara à toute vitesse froidement, tirant Pearl avec elle :

« On devrait y aller.

- Dory, attends ! »

Elle se retourna et me regarda d'une manière étrange, l'air absent : c'était la première fois que je n'arrivais pas à décrypter ce qu'il se passait en elle, ses émotions, ses sentiments. Je sortis de mon sac le poisson clown qu'elle avait laissé, deux années plus tôt. J'allais tenir la promesse que je m'étais faite. Dory la prit délicatement, comme s'il s'agissait de l'objet le plus précieux au monde. Son visage arbora un triste sourire, l'océan de ses yeux menaçant de déborder. Elle se blottit dans mes bras. Elle murmura dans mon oreille d'une voix tremblotante :

« Je-je suis désolée de t'infliger ça, Némo... Promets-moi que tu reviendras ?..

- Je reviendrai, je te le promets.

- Tu tiens mieux tes promesses que moi, ajouta-t-elle, mélancolique. »

Elle se détacha de mes bras et prit un vieux morceau de papier tâché dans sa poche. Je lui donnai un stylo, et elle y écrivit son adresse. Avant de me le donner, elle finit :

« Comme les adultes ?

- Comme les adultes. »

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Suite : Poisson lune

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