Bonne chance Némo

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Lorsque nous franchîmes le panneau d'agglomération, avec Toulon indiqué, je sentis mon cœur battre à vive allure. Nous y étions. Nous avions réussi. Certes par des moyens pas forcément très légaux, mais nous avions atteint un de nos objectifs principaux : rejoindre Toulon. La dernière étape qui nous attendait, était de retrouver Dory. Cette pensée paraissait totalement irréaliste pour moi mais nous y étions bel et bien. J'allais voir Dory, après deux années interminables d'absence.

La voiture rouillée et crasseuse du vieillard grinça lorsqu'il s'arrêta pour nous déposer devant la mairie. Nous le remerciâmes infiniment et descendîmes du véhicule. Je me retournai et regardai le vieillard une dernière fois, ç'allait être la dernière fois que je le voyais, sûrement. Avant de partir, le vieil homme baissa sa vitre – ce qui la débarrassa au passage d'une quantité monstrueuse de poussière – il sortit sa tête et me dit :

« Bonne chance mes p'tits gars ! Bonne chance, Némo. »

Il nous fit un clin d'oeil puis quitta les lieux en riant. Un drôle de personnage.

Nous étions désormais seuls, dans une ville que nous ne connaissions pas alors que la nuit commençait à tomber. Il n'y avait plus grand monde dans les rues, peu de voitures circulaient. La lumière légère des lampadaires nous permettait de voir dans la pénombre. Un calme monacal régnait sur les lieux. Saisis par la beauté de ce que nous étions en train de vivre, la panique ne nous envahit pas. Par où commencer les recherches ? Dory était peut-être chez elle, à cette heure-ci. La voix de Gary résonna dans le silence :

« Si tu veux mon avis, je pense qu'on restera ici plus d'une journée avant de la trouver. »

J'acquiesçai. Il avait raison : Toulon était une grande ville, et rien ne nous disait qu'elle était à l'extérieur. Il y avait néanmoins une dernière possibilité dont j'essayais à tout prix d'éviter de penser : qu'elle ait de nouveau déménagé. Nous errions dans les rues, ne sachant par où commencer, et n'osant pas nous séparer : sans nos portables pour nous retrouver l'un l'autre, c'était hors de question. Nous tournions en rond pendant des heures, et pas de Dory à l'horizon. Je m'assis contre un des lampadaires, découragé. Je poussai un long soupir pour décompresser puis me relevai : il faisait nuit noir, il était impossible de reconnaître les passants dans la rue, si Dory venait à passer, nous ne l'aurions pas vu. Nous partîmes donc à la plage pour y dormir, c'était le lieu le plus sûr pour nous : personne ne risquait de nous y embêter, hormis la houle.

Le sable refroidi par la nuit se glissait entre nos orteils à chaque pas. La plage était large, la mer semblait calme, les étoiles du ciel scintillaient de nouveau sur les vagues. Le vent frais et léger nous obligea à enfiler un sweat en coton bien chaud. Voir la mer ainsi, en vrai, sous mes yeux, m'éblouissait et me rappelait mon objectif : lui rendre le poisson clown. Cela me rapprochait d'elle, de l'amour qu'elle avait pour l'océan et ce qu'il enfermait. Deux ans que je ne l'avais pas entendu en parler. Deux ans que je ne l'avais pas entendu tout court.

Alors que j'étais absorbé par l'océan, Gary lui s'allongeait, la tête posée sur ses mains, pour voir les étoiles pendues au-dessus de nous. Je crus l'entendre murmurer « C'est magnifique. ». Je n'avais plus peur qu'il regrette de m'avoir accompagné, maintenant. Nous laissâmes les vagues s'emparer du silence pendant quelques instants. Gary se redressa, me regarda fixer la houle et déclara, un léger sourire aux lèvres :

« Tu traverserais les océans pour elle, hein ? (Alors que je laissais sa question en suspens, il demanda) T'es sûr qu'elle n'est qu'une amie ? »

Il mettait ici le doigt sur quelque chose dont j'ignorais et dont je n'avais jamais songé jusqu'à maintenant. La relation que j'avais avec Dory, était-elle vraiment de l'amitié ? Petit, je ne pouvais pas le dire, je ne pensais pas à ce genre de choses, je me contentais de passer mes après-midi chez elle à m'amuser et ça s'arrêtait là. Plus tard, nous étions juste inséparables, elle m'accompagnait partout et je faisais de même pour elle. Et depuis son départ jusqu'à aujourd'hui, je n'avais fait que penser aux moyens que j'allais employer pour la retrouver. Si notre relation n'était qu'amicale, aurai-je vraiment fait tout cela pour elle ? Sa question m'avait déstabilisé.

« Je ne sais pas Gary, je ne sais pas... »

Il se remit dans sa position initiale, et observa les étoiles comme s'il en était amoureux jusqu'à ce que ses paupières se ferment. Sa question revenait sans cesse. Etait-elle qu'une amie ? Je n'avais aucune idée de ce qu'était l'amour. Enfin si, je savais que c'était deux individus qui s'aimaient et voulaient construire quelque chose ensembles – en quelques sortes, mais je ne savais pas ce qu'on ressentait vraiment, étant amoureux. Etais-je amoureux d'elle depuis le début, sans le savoir ? Lourde de questions, ma tête tomba dans mes bras et je m'endormis ainsi, assis face à la mer qui me chantait sa berceuse.

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Suite : Ciel de sel

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