Chapitre 16.1 ~ Alexandre

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Par chance, l'opération prévue l'après-midi avec le Docteur Dubois était beaucoup moins délicate que celle de ce matin, car j'avais eu du mal à rester concentré pendant tout le temps qu'elle avait durée. Vincent s'en était rendu compte. En ami fidèle, il avait essayé de me couvrir pendant que nous étions au bloc. Avec succès.

Je m'en étais plutôt bien tiré si on tenait compte de toutes les idées qui me traversaient l'esprit depuis hier soir. Et encore plus depuis que j'avais reçu le texto d'Anna après notre déjeuner. Heureusement, nous n'avions pas eu d'interventions imprévues venues des urgences. J'étais en train de sortir du bloc quand je vis mon père, Jean-Jacques.

Il n'était pas rare que je le croise dans les couloirs, étant donné qu'il était chirurgien dans ce service depuis de très nombreuses années. Mais aujourd'hui était un jour un peu différent des autres. Je fus surpris et légèrement déstabilisé en croisant son regard vert comme le mien. Il était un peu plus grand que moi, ses cheveux poivre et sel étaient coupés courts et sa moustache grisonnante était toujours bien taillée. Il avait de l'allure mais il semblait fatigué.

— Bonjour Papa...

— Bonjour fils, ça va ?

— Oui, l'opération sur laquelle j'ai assisté le Docteur Dubois avec Vincent s'est bien passée. Et toi ?

— Tant mieux ! Moi, ça va, me répondit-il d'une voix maussade.

Depuis la mort de ma mère, mon père n'était plus le même. Sa vie, tout comme la mienne et celle d'Olivier, mon frère jumeau, avait été brisée ce jour-là. Tout était parti en vrille. Nous n'avions que quinze ans et la perte de notre mère n'avait rien arrangé à la relation déjà compliquée que Jean-Jacques entretenait avec Olivier. La disparition de Meredith n'avait fait qu'empirer les choses. Mon frère était déjà assez perturbé, violent et distant, mais perdre l'usage de ses jambes à cause de l'accident avait été pire que tout.

Il en voulait à la terre entière, mais surtout à mon père et moi. Il me tenait pour responsable de la mort de notre mère. Il ne parvenait pas à pardonner à notre père de n'avoir rien pu faire pour la sauver. Il avait commencé à avoir de mauvaises fréquentations. Notre père, une fois remis de ses blessures, avait alors décidé de repartir s'installer à Paris, sa ville natale, pour donner un nouveau départ à notre famille qui partait en lambeaux.

À l'époque, Jean-Jacques me répétait tous les jours que je ne devais pas me sentir coupable de ce drame, que ce n'était pas ma faute et qu'il n'y avait pas de responsable. Il me disait ça tous les jours alors que je voyais parfaitement, bien que je n'étais qu'un adolescent, qu'il se reprochait lui aussi la mort de sa femme. Je voyais bien qu'il s'en voulait de ne pas avoir réussi à la réanimer après l'accident. Ses yeux verts autrefois rieurs étaient devenus vides et creux.

Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Moi, j'essayais bon gré mal gré de le soutenir et de lui parler mais il ne se confiait pas. Il gardait toute sa douleur à l'intérieur. Il tentait aussi de faire entendre raison à Olivier, qui lui ne se gênait pas pour m'accuser d'être le seul et unique responsable de tout ce gâchis. Il était sans cesse tiraillé entre nous deux. C'était horrible pour lui, pour mon frère et pour moi.

Malgré le temps qui passait, Olivier était toujours rempli de colère et de haine. Il avait même noué des liens avec des mecs louches après notre installation à Paris. Même dans un fauteuil roulant, il ne pouvait pas s'en empêcher... La tension qui régnait entre nous trois était devenue insupportable. Mon père avait décidé de l'envoyer dans un institut spécialisé à Marseille, grâce à un collègue médecin qui avait réussi à lui obtenir une place, du moins jusqu'à sa majorité. Je me souviendrai toujours du regard noir que nous avait lancé Olivier au moment de son départ.

Les Ombres du Passé ~ Tome 1 ~ Libère-MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant