Chapitre 23.1 ~ Alexandre

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J'avais l'impression que mille marteaux tapaient en même temps à l'intérieur de ma tête. C'était horrible. Je n'arrivais même pas à ouvrir les yeux tellement j'avais mal. J'étais dans un sale état. Plus jamais de ma vie je ne boirai autant de champagne. J'étais complètement enchevêtré dans mes draps froissés. Je ne pouvais pas vraiment bouger là-dedans. Les yeux toujours fermés, je parvins à m'extirper du lit et à me lever. Terrible erreur ! Tout valsait autour de moi.

Je me rassis prudemment et j'attendis quelques instants avant de me lever de nouveau, plus doucement cette fois. Je tenais debout, c'était déjà énorme ! J'ouvris lentement un œil, puis l'autre. La lumière du jour m'éblouit à travers les rideaux tirés de ma chambre. Quelle heure pouvait-il bien être ? Aucune idée. Cahin-caha, je réussis à atteindre la salle de bains pour soulager l'envie pressante qui m'avait réveillé.

Sans oser jeter un coup d'œil au miroir, je me rinçai le visage et la nuque à l'eau froide pour me remettre les idées en place. La fraîcheur de l'eau me fit du bien et m'aida à sortir un peu plus du brouillard. Les marteaux sévissaient toujours dans mon crâne. Il me fallait une double dose de paracétamol. Au moins. Je revins dans ma chambre en titubant pour me rasseoir sur le lit, en essayant de mettre un peu d'ordre dans ma mémoire.

Je me souvenais être rentré avec une fille chez moi hier. Comment s'appelait-elle déjà ? Marie ? Maryline ? Non... Marion ! Oui, Marion c'était ça ! Et là, le souvenir de la fin de la soirée me percuta comme un bulldozer. Merde. Je l'avais appelé Anna. Comme pour lui échapper, je retournai directement à la salle de bains pour prendre une bonne douche, en espérant que l'eau chaude puisse me laver de mes frasques de la veille et de ma connerie aussi, ça serait l'idéal.

Après un long moment passé sous le jet d'eau, je repris une apparence à peu près humaine. J'étais lavé, rasé et habillé. Ma tête me faisait toujours souffrir, mais ça devenait un peu plus supportable. Je me décidai enfin à regarder l'heure. Mon réveil indiquait 14 heures 47. Mon estomac cria tout à coup famine et j'allai me préparer quelque chose en vitesse près du comptoir de la cuisine. Avoir le ventre plein fit du bien à mon corps mais mon moral lui, était en berne. J'avais vraiment fait n'importe quoi hier soir...

Me saouler, ramener une fille chez moi pour la baiser. Ça ne me ressemblait pas du tout. Je voulais tout faire pour oublier Anna et notre conversation douloureuse. Et voilà le résultat. J'étais pathétique. Vraiment pathétique. Malgré tous mes efforts pour la chasser de mon esprit, elle occupait encore toutes mes pensées. L'alcool, la fête, les filles. Tout ça n'avait servi à rien, à part me faire sentir un peu plus mal.

Après le repas, je me mis à la recherche de mon téléphone. Je le retrouvais par terre, près de l'entrée. Il avait dû glisser de ma poche hier soir. Batterie morte. Une fois branché et allumé, il se mit à vibrer dans tous les sens. Je consultai l'écran, j'avais reçu plusieurs texto mais un seul retint mon attention : il venait d'Anna. Lorsque je lus son prénom, mon rythme cardiaque accéléra :

« Bonjour Alexandre. Je rentre à Marseille aujourd'hui.

Mon TGV part de la gare de Lyon à 17 heures 03. »

Était-ce sa façon de me dire qu'elle voulait que je vienne lui dire au revoir ? Ou pire... Lui dire adieu ? Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir. Je ne pris même pas le temps de lire les autres messages qui venaient de Vincent. Je quittai mon appartement en vitesse. Direction : Gare de Lyon. Le trajet en métro me parut interminable. Une fois arrivé à destination, je scrutai le grand panneau d'affichage du hall 1 pour repérer son train. Hall 2, voie C. Je fonçai en jetant un coup d'œil angoissé à ma montre : 16 heures 40. J'avais encore le temps de la voir avant qu'elle ne parte !

Je pressai le pas en essayant d'éviter au maximum le flot incessant des passagers avec leurs valises à roulettes ou leurs gros sacs à dos. A proximité de la voie C, je reconnus la douce silhouette d'Anna. Elle était en train de composter son billet. Son père était avec elle. La revoir avait un effet étrange sur moi. J'étais content de pouvoir admirer sa chevelure brune et sa jolie bouche avant son départ, et en même temps, l'idée que ce serait peut-être la dernière fois que j'en avais l'occasion était comme un coup de poignard planté dans mes entrailles.

Un peu hésitant, je me rapprochai d'eux. Le père d'Anna m'aperçut en premier. Il me fit un grand sourire et me serra la main :

— Docteur Mercier, bonjour ! Comment allez-vous ?

— Bonjour, Monsieur Peretti. Je vais bien, merci. Vous pouvez m'appeler Alexandre vous savez, nous ne sommes pas à l'hôpital !

— Oui, vous avez raison Alexandre ! Anna, je vais prendre un café au distributeur, tu veux quelque chose avant de partir ?

— Non, merci Papa, j'ai tout ce qu'il me faut !

— OK, je n'en ai pas pour longtemps. A tout à l'heure !

Il nous fit un signe de la main en s'éloignant. Je lui étais reconnaissant de me laisser un semblant d'intimité pour parler à Anna. Mais avec tous les voyageurs, le bruit, les mouvements et le brouhaha ambiant, ce n'était pas simple. Anna me regarda enfin dans les yeux lorsque son père fut parti. Elle paraissait un peu gênée et hésitante. J'avais l'impression qu'elle ne savait pas comment se comporter ni quoi me dire. Son regard était triste, fatigué et encore en colère. Plein d'appréhension, je me rapprochai d'elle en souriant faiblement, ne sachant pas comment briser notre silence pesant.

— Bonjour, Anna.

— Bonjour.

— Ça va ?

— J'ai connu mieux. Et toi ?

— Idem. J'ai eu ton message et je voulais vraiment te dire au revoir. D'où ma présence ici.

— Je ne sais pas vraiment pourquoi je t'ai envoyé ce message...

Poussé par une envie impérieuse de la toucher, je tendis la main pour lui caresser tendrement la joue. Elle ne me repoussa pas. Elle ferma les yeux quelques secondes à mon contact en poussant une grande inspiration. Sentir la douceur de sa peau sous mes doigts était comme un baume qui guérissait ma brûlure. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ils étaient humides. Non, je ne voulais pas la faire pleurer. J'ôtai ma main à contrecœur en murmurant :

— Je suis désolé, je ne voulais pas te faire de la peine, je n'aurais pas dû venir...

— Ne le sois pas, je suis heureuse que tu sois venu jusqu'ici avant mon départ mais, c'est difficile. Surtout après ce que tu m'as dit hier.

— Je comprends. C'est normal. J'aurais dû t'en parler avant mais j'avais trop peur de ta réaction et...

— On ne devrait pas discuter de tout ça ici. Un hall de gare n'est pas vraiment l'endroit idéal.

— C'est vrai mais... j'ai besoin de savoir ce que tu veux faire...

— Pour nous deux ?

— Oui.

— Je t'avoue que je n'en sais rien. L'inauguration de la boulangerie de mon père m'a occupé l'esprit toute la journée d'hier et je n'ai pas vraiment eu le temps de repenser à ton aveu. Mais ce qui est certain, c'est que je suis sous le choc.

— J'imagine.

— Il va me falloir du temps pour accepter.

— Je comprends. Je te laisserai le temps qu'il faudra mais je voudrais qu'on reste en contact quand tu seras à Marseille, s'il te plait...

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Je pense qu'un peu de distance nous fera le plus grand bien.

— Comme tu veux. Je voudrais te dire une dernière chose avant ton départ. Tu es la seule personne qui connaît mon passé. La seule. N'oublie pas ça.

Les Ombres du Passé ~ Tome 1 ~ Libère-MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant