Je sentais une main qui me tapotait fermement la joue. J'entendais une voix masculine au loin, sans comprendre ce qu'elle me disait. J'avais l'impression d'être dans un nuage de coton. Tous les sons me parvenaient, mais ils étaient lointains et incompréhensibles. J'essayais d'ouvrir les yeux sans y parvenir. La voix qui me parlait devint plus forte. Je distinguai quelques bribes. J'entendis mon prénom plusieurs fois. La main continuait de me donner des petites claques sur les joues.
Je tournai légèrement la tête pour les éviter et fronçai les sourcils de mécontentement. J'étais bien, là. Je ne pensais plus à rien. Je me sentais apaisée et en sécurité. Laissez-moi tranquille ! J'avais envie de crier mais aucun son ne sortit de ma bouche. Malgré mes mouvements, cette main continuait son œuvre. Cette voix devenait de plus en plus insistante. Entêtée, je continuais de bouger la tête pour les esquiver. Je fus récompensée. Après quelques secondes, plus aucun contact et plus aucun bruit. Je me laissai glisser dans la pénombre réconfortante avec satisfaction.
Malheureusement, le calme fut de courte durée. Mes narines furent assaillies par une forte odeur iodée qui me monta à la tête. J'ouvris finalement les yeux, à contrecœur. Je vis un homme penché sur moi. D'abord un peu flou, il devint plus net après quelques secondes. Alexandre. Mon bel Alexandre. Rongé par la culpabilité. Il recherchait la souffrance pour se punir d'un accident dont il se croyait responsable. Sans se rendre compte que lui aussi, il avait droit à une part de bonheur. Tout comme moi. Tout comme chacun d'entre nous.
Je m'étais perdue pendant des années à essayer de me protéger du mal que pouvait faire les sentiments. Pourtant, depuis que je l'avais rencontré, la forteresse que j'avais construite autour de mon cœur se fendillait de toutes parts. En si peu de temps. Jamais je n'aurais cru que c'était possible. Le voir comme ça, penché sur moi, le regard inquiet, en train de prononcer mon prénom, me toucha au plus profond. Il fallait me rendre à l'évidence. Je l'aimais.
Je ne pouvais pas prendre le risque de le lui dire. Pas maintenant. Pas tout de suite. Avec ce qu'il venait de me raconter à propos des menaces de son frère, ce n'était vraiment pas le bon moment. En même temps, il m'avait dit qu'il voulait essayer de construire une relation lorsque nous étions à Paris. Je ne savais plus quoi penser. Ses yeux vert sombre me tirèrent définitivement du brouillard en plongeant droit dans les miens :
— Anna ! Ça va ? Tu m'entends ?
— Oui...
— Dieu merci !
— Ne t'en fais pas, ça va...
— Tu veux un verre d'eau ?
— Euh... oui, s'il te plait.
Il quitta mon chevet pour se rendre rapidement dans la cuisine, puis revint s'asseoir à côté de moi, sur le canapé. Il me sourit timidement en me tendant le verre :
— Tiens !
— Merci.
Je me redressai doucement pour boire. Cela me fit du bien car j'avais la bouche sèche. Il récupéra mon verre vide et le posa sur la table basse avant de me dire, soulagé :
— Tu m'as fait une belle frayeur !
— Tu es chirurgien il me semble non ? Tu as dû voir bien pire que ça à l'hôpital !
— C'est vrai, mais avec les patients c'est... différent...
Je ne pus m'empêcher de croire qu'il insinuait qu'avec moi, c'était différent parce qu'il ressentait quelque chose. Sans répondre, je lui souris doucement, incapable de répliquer quoi que ce soit.
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Les Ombres du Passé ~ Tome 1 ~ Libère-Moi
RomanceAprès l'immense douleur qu'elle avait connue à la fin de sa première histoire d'amour, Anna s'était jurée de ne plus jamais souffrir en s'interdisant de retomber amoureuse un jour. C'était il y a dix ans... Depuis cette promesse, elle pratiquait le...