Les Ombres du Passé ~ Tome 1 ~ Libère-Moi

Chapitre 26.1 ~ Anna

Lundi. Rentrée des classes pour les élèves et moi au lycée Thiers. Je n'avais pas vu passer ces vacances. Il fallait bien avouer qu'elles avaient été particulièrement mouvementées de mon côté. Il n'était pas loin de 9 heures. J'étais déjà dans ma salle, me préparant à accueillir la classe de seconde 6 pour deux heures de cours. J'étais heureuse d'être de nouveau dans mon élément. Retrouver le tableau noir, les craies, les fiches de cours. 

Oui, j'étais attachée aux traditions, malgré le développement des nouvelles technologies. Pour ma part, rien de pouvait remplacer les bonnes vieilles techniques d'enseignement, quoi que l'on puisse en dire. Oui, j'aimais beaucoup cette ambiance étudiante. J'avais vraiment hâte de reprendre le travail, car cela me permettrait de me changer les idées. De réussir à ne plus penser à Alexandre, au moins pendant quelques heures. J'avais vraiment besoin de ce répit.

D'autant plus qu'il continuait de me laisser des messages, toujours au sujet de cette fameuse chose importante dont il voulait me parler. Je m'entêtais à ne pas lui répondre, mais il ne se décourageait pas et continuait à essayer de me joindre. Ça me mettait dans une rage folle. Je voulais être tranquille pour réfléchir à tout ça. A lui. A moi. A nous ? Son passé de soumis. Le BDSM. Je devais bien avouer que je commençais à me faire à l'idée. 

Le choc était passé et j'acceptais, doucement mais sûrement, ce qu'il avait pu vivre avec sa Domina avant notre rencontre. Je n'avais pas repris mes soirées de débauche avec Inès, même après mon retour à Marseille, mais j'hésitais. Je me demandais si ce n'était pas la meilleure manière finalement pour tester mes sentiments. Mettre à l'épreuve mon attachement naissant pour Alexandre. Ou simplement me le sortir de la tête une bonne fois pour toutes.

La sonnerie stridente du début de l'heure me fit sursauter. Je pris une grande inspiration et me dirigeai vers le couloir pour aller chercher mes élèves. Le sourire aux lèvres, je les fis entrer. J'étais sereine. J'avais hâte de parler avec eux du livre que je leur avais demandé de lire pendant les vacances : « Les lettres persanes », de Montesquieu. Un grand classique du roman épistolaire.

— Bonjour tout le monde, asseyez-vous rapidement et en silence s'il vous plait.

Une fois le calme retrouvé et les élèves installés, je débutai mon cours en leur demandant de sortir leur livre et de m'en parler. Les deux heures se passèrent dans une ambiance studieuse et cela me fit un bien fou de parler de Montesquieu et de son œuvre. Le reste de la journée fut semblable à ce premier cours : enrichissante, intense et surtout, pleine d'échanges avec mes élèves. C'était ce qui me passionnait le plus dans mon métier : partager avec les lycéens à propos de leurs lectures. 

Parler des sentiments et des émotions que les mots avaient fait naître en eux. Comprendre pourquoi ils avaient aimé – ou pas – tel ou tel passage. Après mes heures de cours, j'allai dans la salle des professeurs pour vérifier mon casier et récupérer son contenu. Je discutais quelques instants avec des collègues pour savoir comment s'était passée leur rentrée, puis je pris le chemin de la sortie.

Je marchais tranquillement dans la rue pour rejoindre ma voiture, garée non loin du lycée. Je ne saurais comment l'expliquer mais je me sentis comme épiée. C'était une sensation étrange. J'avais l'impression d'être observée. Déstabilisée, je me retournai discrètement pour vérifier que je n'étais pas suivie. Je ne vis personne. Pourtant, j'aurais juré que quelqu'un me scrutait et marchait derrière moi. J'étais ridicule, je devenais parano ! Je secouai la tête en souriant de ma propre bêtise et m'engouffrai dans ma voiture pour rentrer. 

Une vingtaine de minutes plus tard, je posai mon sac dans l'entrée et enlevai mes chaussures pour être plus à l'aise. Mine de rien, cette reprise avait été assez fatigante et je ne me fis pas prier pour m'installer confortablement dans le canapé, un verre de jus de fruits à la main. J'avais beaucoup parlé et ma voix était un peu éraillée. Mes cordes vocales avaient besoin de quelques jours pour reprendre le rythme du lycée elles aussi.