VII

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Une fois descendue à la cuisine, je retrouve Apollon assis à table, en train de manger un bol de céréales.

- J'me suis servi me dit-il la bouche encore plein de céréales.

- Pas de soucis, fais comme chez toi.

Impossible de cacher une part de sarcasme.

- Tu as quoi de prévu pour aujourd'hui ?

Je me sens prise au dépourvu, je ne m'attendais pas du tout à cette question. Je pensais qu'en descendant il serait parti et m'aurait laissé un mot du style « Merci pour ce moment. On se revoit un de ces quatre. ». Mais non, il est toujours là et me demande ce que j'ai prévu aujourd'hui. Peut-être que ça lui plairait de passer la journée avec moi. Ou peut-être que je me fais des films et qu'il ne me fait la conversation que pour être poli.

-  A la base j'avais prévu d'aller en cours et puis d'aller acheter un cadeau d'anniversaire à un pote dis-je en rigolant. Etant donné que mon plan A est tombé à l'eau, je pense que je vais passer sur le campus pour ramener quelques bouquins à la bibliothèque avant de me choper encore une amende. Je vais bientôt me retrouver sur la liste noire de l'université et je ne pourrai même plus suivre mes cours dis-je en esquissant un petit sourire. Et toi ?

- Moi, je crois que j'y suis déjà sur cette liste.

Nous rigolons ensemble. 

- Il faudrait que je retourne au bar pour récupérer ma voiture. J'ai regardé par la fenêtre et je ne la vois pas. Je l'ai probablement laissée là -bas sur le parking et on a dû rentrer ici en taxi.

- Ah oui, c'est une bonne idée.

- Tu viens avec moi ?

Lorsqu'il prononce cette phrase, je vois ses yeux se baisser vers son bol de céréales qu'il commence à triturer nerveusement.

- Heu... J'hésite.... Oui je veux bien t'accompagner. Mais je n'ai pas de voiture pour t'y emmener. On va devoir prendre le bus. Si ça te va.

- C'est parfait pour moi, du moment que je suis avec toi me dit-il en me faisant un clin d'œil. Il m'enlace alors de ses bras musclés et me pousse contre sa poitrine. Je sens sa chaleur à travers son t-shirt. C'est tellement agréable d'être comme ça, contre lui.

- Merci dis-je en m'écartant de son étreinte, bien qu'elle me soit très agréable. Pourquoi je le remercie d'ailleurs ? A nouveau, je me sens bête d'avoir prononcé ces mots. Je me rattrape immédiatement. Je pense que l'on devrait partir maintenant pour aller chez Joe, c'est quand même à trente minutes de bus d'ici.

- Ok. J'avais une veste hier soir, tu ne sais pas où elle est par hasard ? C'est une veste en cuir noire.

- Non désolé. Et je ne l'ai pas vue dans ma chambre en allant m'habiller, ni dans l'entrée en descendant.

- Merde. C'était un cadeau de ma mère avant... il s'interrompt.

- Avant quoi ?

- Rien rien.

Je vois son visage se fermer d'un coup. Je n'avais pas encore vu cette expression sur son visage. Cela ressemble à de la tristesse, mêlée à de la colère. J'essaye d'adoucir sa colère est l'attrapant par le bras.

- Ce n'est pas grave, tu n'es pas obligé de me raconter. Gardons une part de mystère, pour aujourd'hui. Et je lui plante un doux baiser sur la joue.

Je suis moi-même atterrée par cet excès de tendresse de ma part, ça ne me ressemble tellement pas. Moi qui suis si gauche (et timide) d'habitude avec les garçons. Je ne connais ce garçon que depuis deux heures, et pourtant, je sens qu'il y a quelque chose de fort qui nous lie. Je ne sais pas encore quoi, mais j'espère que nous allons le découvrir.

- Merci me dit-il en souriant d'un petit sourire malicieux.

- Au fait, je m'appelle Ella.

- Ella ? dit-il d'un ton interrogateur. Ca fait toujours cet effet-là aux gens.

- C'est Isabella en fait, mais ma famille et mes amis m'appellent Ella.

- Ah d'accord. C'est mignon Ella.

- Et toi ?

- Je m'appelle James.

- Enchantée lui dis-je en souriant et en lui tendant la main pour qu'il la serre. Ca fait très british.

- Oui ma mère est trop fan de James Bond. Je sais, c'est ridicule dit-il en rigolant et en me serrant la main.

Qu'il me parle de ses parents me renvoie directement à ma propre histoire. A la mort de mes parents il y a un an. Mais je chasse vite cette idée de ma tête. Il faut que je pense à autre chose, sinon je vais me remettre à pleurer.

- Bon on y va ? Sinon on va rater le bus. Il passe toutes les heures dix donc vaut mieux pas le manquer.

J'enfile ma veste et une grosse écharpe qui cache presque l'entièreté de mon visage. Je dois avoir l'air ridicule comme ça, mais on est en février et il fait un froid de canard.

Quand j'ouvre la porte, je me retourne vers Apollon, enfin James (je pense que je préférais l'appeler Apollon, en fait) et je le vois qui frissonne en sentant le froid rentrer dans la maison.

- Oh, tu vas avoir froid dehors comme ça. Attend, je vais aller te chercher quelque chose en haut.

Instinctivement, je vais dans mon armoire et prend un vieux pull à capuche dans le fond de mon armoire. Je sais que je ne devrais pas le prendre, je sais qu'il va faire remonter en moi plein de souvenirs qui devraient rester enfuis bien profondément, mais je sais que c'est pour la bonne cause.

- Tiens un sweat. Il est bien chaud.

Lorsque je lui tends le sweat, il l'examine et regarde la taille.

- Un L ? Vu ta taille, ton poids, et ce que tu portes actuellement, je suis étonné que tu achètes ce type de vêtements.

Je lis l'étonnement sur son visage.

- Oh... Ce n'est pas le mien en fait. C'est à mon ex-copain. Je ne sais pas pourquoi je l'ai gardé, mais au moins il sert à quelque chose.

- Ok, dit-il d'un ton froid, presque glacial. Il a l'air vexé que je lui propose de porter le pull de mon ex petit-ami.

Je ne sais pas comment réagir. Je me contente de lui prendre une écharpe au porte manteau et de la lui lancer en rouvrant la porte. Je lui fais alors un signe de la main pour l'inviter à sortir. Il s'exécute après un bref regard dans le miroir.

Lorsque nous sortons dehors, je sens le froid me glacer les os. Malgré ma grosse veste, je me mets à frissonner. Dès que James s'en rend compte, il s'approche de moi et me prend par la taille. Je ne sais pas ce qui le pousse à être aussi gentil avec moi, mais j'apprécie énormément son attitude envers moi. Alors que l'on est à quelques mètres de l'arrêt de bus, on le voit arriver. James se met alors à courir. Je le suis. Je me mets à rigoler lorsque l'on court, l'un à côté de l'autre. Lorsque l'on monte dans le bus, il me prend par la main et m'emmène dans le fond pour s'asseoir. 

Comment oublier?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant