Comment oublier?

XXV

- Tu veux un verre d'eau ?

Elle tremble, tout son corps tremble. Je lui tends un petit gobelet d'eau et l'invite à s'asseoir sur le fauteuil. Je prends place en face d'elle et m'installe sur le bord de mon lit. Pendant près de cinq minutes, elle ne parle pas. Heureusement, j'avais pris soin de fermer la porte de ma chambre, une fois à l'intérieur, car je vois la poignée bouger. On entend de l'autre côté de la porte un bruit qui devient de plus en plus fort.

- Anna, Anna ! C'est Théo. S'il-te-plait mon cœur, ouvre.

Je la regarde. Elle ne bouge pas. Elle continue de fixer la porte sans sourciller. Pendant dix minutes, Théo essaye de la convaincre d'ouvrir la porte. Au début, il se contente de petits mots doux. Ensuite, il commence à s'énerver, et finit par lui hurler dessus et essayer de la monter contre moi. Lassé que personne ne lui ouvre, nous l'entendons alors tourner les talons et descendre les escaliers. Je peux lire le soulagement sur le visage d'Anna, jusque-là, impassible. Elle se lève du fauteuil, et fait le tour de la chambre. Je reste assise sur mon lit, à la regarder s'immiscer dans ma vie privée. Elle s'arrête sur une photo. Elle la prend en main et l'étudie un instant. Même si je suis trop loin pour discerner cette photographie, je sais ce qu'elle représente. C'est ma mère qui avait pris cette photo. Nous étions allés voir des cascades lors d'un week-end en famille. Théo et moi étions face à la cascade, sur le bord de la falaise. Ma mère, qui était photographe de profession, avait alors pris une photo de nous, de dos, face à la cascade, main dans la main. Je sais que j'aurais dû la jeter, mais je n'ai jamais pu m'y résoudre. Je suis tirée de ma rêverie par Anna.

- Pourquoi vous être fait tatouer ?

- Je ... heu ... Qu'est-ce que Théo t'a dit ? Autant lui demander d'abord quel bobard il lui a sorti, pour éviter tout malentendu.

- Il m'a juste dit que vous étiez très fusionnels, et que ... les larmes commencent à couler sur ses joues....

- Que.... Que quoi Anna ?

Elle me regarde avec ses grands yeux bleus. Les larmes continuent de ruisseler sur ses joues. Elles ne s'arrêtent plus.

- Que quand il l'a fait, il pensait que vous étiez fait l'un pour l'autre.